Jean Bedez - Le temps à l’oeuvre

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 21 août 2014 - 573 mots

Il aura fallu quatre ans à Jean Bedez pour préparer l’exposition présentée en septembre à la Galerie Suzanne Tarasiève.

Quatre ans entre quatre murs, même si l’artiste évoque le plaisir énorme qu’il a pris à l’accomplissement de sa tâche, cela peut paraître long. Mais voilà : « Un dessin, c’est du temps », et Jean Bedez invite à relativiser : « Pendant cette période, j’ai vu disparaître des gens qui étaient au sommet et qui n’y reviendront sans doute jamais… » L’allure sportive, un camée en sautoir dans l’échancrure d’un pull noir, glabre, il reçoit avec une affabilité extrême dans son atelier du 13e arrondissement où il vit et travaille. Et, questionné sur sa solitude de coureur de fond, se félicite de la relation de confiance qu’il entretient avec sa galeriste, qui l’a soutenu dans ce « sacerdoce », de même que quelques collectionneurs fidèles jouant le rôle de mécènes.

Représenter « l’irreprésentable »
L’ensemble de huit grands formats réalisés à la mine de graphite comprend une série commencée en 2011 sur le thème, revisité, des quatre cavaliers annonciateurs des fléaux cités dans l’Apocalypse de saint Jean. Des dessins en forme de paraboles qui offrent de saisissants raccourcis historiques, mêlant avec autant d’érudition que de virtuosité technique symboles religieux et références à l’actualité immédiate. Ainsi de la nature morte intitulée Une mesure de blé pour un denier, et trois mesures d’orge pour un denier ; mais ne fais point de mal à l’huile et au vin figurant un cheval noir couché sur le dos au centre d’une table dans une salle de réunion. Avec ses fauteuils vides, celle-ci est une réplique fidèle du bureau ayant accueilli en 2007 le 33e sommet du G8. Un sommet placé, un an avant la crise économique mondiale et en pleine famine du Darfour, sous le thème de « la croissance et la responsabilité », souligne Jean Bedez, dont la lecture critique de l’histoire procède, comme ses allégories en noir et blanc, par juxtaposition. « Je fabrique d’abord mon tableau sur ordinateur à partir d’une banque de données d’images que j’ai constituée. Puis je retranscris cette composition par le dessin, selon une technique proche de la révélation : c’est un processus très long, je superpose jusqu’à douze sortes de couches de crayon gris. » Cette patiente stratification assure aux œuvres une densité et une profondeur qui ne s’épuisent pas au premier regard, incapable de saisir d’un coup tous les éléments. Comme si chaque tableau contenait non seulement sa propre chronologie mais encore le temps passé à le réaliser. Même si, sa recherche avançant, Jean Bedez laisse de plus en plus de blanc apparaître sur le papier. Loin de la violence de l’Ancien Testament et des conflits politiques et économiques, ses toiles se tournent vers la lumière pure et s’apaisent dans une tentative de représenter « l’irreprésentable ». Au milieu des ruines – d’un théâtre, d’une église, d’un ancien hôtel… –, la nature reprend alors ses droits, traitée en motif – ici un pan de tapisserie d’Aubusson, là une moquette pâlie – ou surgissant au sol parmi les décombres déserts. Une façon pour l’artiste de signifier, malgré tout, sa foi en l’avenir.

Repères

1976
Naissance

1999
Diplôme national d’arts plastiques de l’École nationale des beaux-arts de Nancy

2001
Diplôme national supérieur d’arts plastiques, École nationale supérieure des beaux-arts de Paris

2011
Prix Canson

2014
Vit et travaille à Paris. Est représenté par la Galerie Suzanne Tarasiève, à Paris, depuis 2011

« Jean Bedez, L’art du combat »

Du 6 septembre au 4 octobre, Galerie Suzanne Tarasiève, 7, rue Pastourelle, Paris-3e.
www.suzanne-tarasieve.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°671 du 1 septembre 2014, avec le titre suivant : Jean Bedez - Le temps à l’oeuvre

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