Chauffage de Compagnie

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 20 août 2014 - 423 mots

Radiateur Le radiateur portable n’est pas l’objet le plus esthétique au monde, tant s’en faut. Souvent, il ressemble à un bloc monolithique sur roulettes, avec une grille en façade.

En clair : il est habituellement laid. En outre, son entretien se révèle dispendieux. L’engin, enfin, est réputé dangereux, étant à l’origine d’incendies fatals, notamment lorsqu’un vêtement est abandonné trop prêt ou lorsqu’il est laissé sans surveillance. Bref, rien pour plaire ! En voici un pourtant qui pourrait vous faire réviser vos clichés. Il est l’œuvre du designer indien Satyendra Pakhalé, 46 ans, et est baptisé Kangeri. Avec son corps en aluminium fortement bombé, il casse assurément les codes du banal radiateur oblong avec grille intégrée. Celui-ci ressemble, en effet, à un petit animal pelotonné. Pour peu, on le prendrait sur ses genoux… Son nom est tiré du vocable kangeri, lequel désigne un appareil de chauffage traditionnel et personnel de la région du Cachemire, le kanger, sorte de pot de terre que l’on remplit de braises chaudes et que l’on place à l’intérieur des habits pour obtenir la chaleur, la température, en hiver, dans le nord de l’Inde, chutant fréquemment au-dessous de zéro. Le radiateur portable Kangeri, lui, ne se dissimule pas sous les vêtements, mais se déplace au sol librement – on pourrait presque dire « se promène » –, à l’aide de trois roulettes. Rond et mignon, il arbore un petit « cou » en chêne, en réalité, la poignée qui permet de le diriger sans se brûler les doigts. Pour Satyendra Pakhalé, ce radiateur portable permet surtout à l’utilisateur de réchauffer un lieu par zones : « Le chauffage central consomme aujourd’hui beaucoup d’énergie et souvent il n’est pas nécessaire de chauffer la maison entière, mais juste un espace personnel. » Une grande partie du développement du radiateur a, certes, concerné la technologie : amélioration de la performance et de la sécurité, ingénierie de la résistance interne, développement de capteurs pour réguler la production de la machine et empêcher la surchauffe, etc. Néanmoins, le designer a aussi tenu à explorer son côté « sensoriel ». « Les objets qui nous entourent ne sont pas simplement des objets, ils ont un pouvoir énorme, estime Pakhalé. Peu de discours évoquent l’influence qu’ont les objets sur les gens, or ils ont un impact immédiat sur nous. »

Le designer cherche clairement à initier une relation plus « incarnée » avec les produits, en tout cas à lisser l’aspect parfois « agressif » de l’objet industriel. Un peu de poésie dans
ce monde utilitaire !

À SAVOIR

Outre le radiateur portable Kangeri, Satyendra Pakhalé a déjà œuvré pour le spécialiste du radiateur transalpin Tubes Radiatori.
En 2004, il a conçu le modèle Add-On, système de radiateur mural, hydraulique ou électrique, basé sur un module en forme de croix répétable à l’infini dans toutes les directions

À VOIR

Né en 1967 en Inde, Satyendra Pakhalé a suivi les cours du réputé Indian Institute of Technology, à Bombay, avant d’intégrer l’Art Center College of Design, à Vevey, en Suisse. Il a ensuite œuvré, dans les années 1990, pour Philips Design, avant d’ouvrir, en 1998, sa propre agence à Amsterdam : Satyendra Pakhalé Associates (www.satyendra-pakhale.com)

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°671 du 1 septembre 2014, avec le titre suivant : Chauffage de Compagnie

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