Prière d’insérer

Deux gauguin sinon rien

Par Pierre Pons · L'ŒIL

Le 26 juin 2014 - 464 mots

Van Gogh est un filon pour l’édition. Un gisement inépuisable au regard du nombre des expositions qui lui sont consacrées.

La dernière en date, à Paris, « Van Gogh/Artaud, Le suicidé de la société » [Orsay, jusqu’au 6 juillet], suivie par l’ouverture de la Fondation Van Gogh à Arles, a apporté son lot de nouvelles parutions, romans et polars, dont Van Gogh et ses juges, de Marie Devois, comme de rééditions d’anciens textes que l’on prend parfois plaisir à relire (Van Gogh, le suicidé de la société d’Antonin Artaud [Gallimard, 7 €]), d’autre fois non. Les Débuts de Van Gogh du jeune Paul Nizon [Les Cahiers dessinés, 15 €] – l’écrivain, né en 1929, a vingt-sept ans lorsqu’il rédige son essai – aurait pu rester dans les limbes des introuvables, tant il n’apporte plus rien aujourd’hui. Gauguin, le contemporain de Vincent Van Gogh, est un autre bon filon. Il faut admettre que Gauguin, comme Vincent, réunit beaucoup des ingrédients qui font les bons – comme les mauvais – livres. Sa vie comporte ce qu’il faut de rebonds (un ancien marin devenu agent de change, pour finir artiste), d’exotisme (de Lima à Copenhague, de Pont-Aven à Tahiti) et d’amoralité (ah ! ce salaud de Gauguin qui abandonna femme et enfants pour se perdre dans la chaleur de la jeunesse polynésienne). Sans parler de la rupture opérée par l’œuvre ! En février a ainsi paru deux nouveautés sur le peintre des Marquises : Le Vertige danois de Paul Gauguin de Bertrand Leclair [Actes Sud, 192 p., 19 €] et Paul Gauguin, Portrait de l’artiste en prophète bénéfique de Pascal Amel [Éditions du Regard, 160 p., 29 €]. Un roman et un portrait écrits par deux « écrivains d’art » à qui il importe plus de faire revivre leur sujet que d’apporter leur pierre à l’édifice de la connaissance – pour cela, il y a le Gamboni [lire page suivante]. « J’ai aimé dériver voire délirer en suivant la trajectoire singulière de Paul Gauguin dont la légende dorée sinon mythique, du moins romanesque, rend partiellement compte », prévient Amel, qui dresse un « portrait » de l’artiste oscillant entre biographie et essai illustré, sans toujours savoir où se situer. Peu importe puisqu’Amel écrit, il écrit même bien ; son texte est emporté, documenté – Gauguin eut lui aussi le bon goût de laisser une correspondance importante –, vif, plus vif que celui de Leclair qui prend, lui, le temps – parfois trop – de construire son récit, mais qui a le courage de se concentrer sur la période danoise de l’artiste, celle d’avant la rupture avec sa famille, celle d’avant son départ pour Pont-Aven. La moins intéressante a priori et, pourtant, la plus décisive dans la construction d’un Gauguin que l’on reprend cet été plaisir à suivre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°670 du 1 juillet 2014, avec le titre suivant : Deux gauguin sinon rien

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