Paris 16e

Un autre Clemenceau

Jusqu’au 16 juin 2014 Musée Guimet

Par Vincent Noce · L'ŒIL

Le 16 mai 2014 - 336 mots

En 1921, costume clair, casque colonial, reconnaissable à ses moustaches fournies qui lui valurent le surnom de « Tigre », Georges Clemenceau se faisait photographier au bas des bouddhas monumentaux du Gal Vihara, sculptés au XIIe siècle par le royaume cinghalais.

Aujourd’hui, les gardiens ont le plus grand mal à contenir les touristes qui commettent comme lui l’erreur de tourner le dos à la divinité. À Kandy, la résidence du gouverneur est devenue hôtel de luxe, mais elle a gardé la mémoire du passage du grand homme venu visiter le temple de la Dent du Bouddha, au bord du lac de l’ancienne capitale ceylanaise. « Ici, je suis chez moi », avait-il lancé à son passage dans le Chinatown de Singapour. Clemenceau avait 79 ans. Parti au hasard des routes maritimes, il s’était lancé dans ce périple de sept mois à travers l’Asie méridionale après avoir quitté la vie politique. On connaît l’amoureux de l’art moderne, le républicain infatigable, le chef de guerre inflexible, mais le Musée Guimet a voulu aborder un épisode moins connu de sa vie : sa passion pour l’Extrême-Orient.Pendant une quarantaine d’années, Clemenceau achetait dans les magasins parisiens des objets asiatiques, jusqu’à sept mille, selon la conservatrice Aurélie Samuel. Beaucoup étaient sans prétention. Le meilleur était formé de porcelaines et d’œuvres graphiques du Japon, où il ne put jamais se rendre. Comme le souligne Matthieu Séguéla, inspirateur de cette exposition, cette attirance se fondait sur son admiration pour le bouddhisme. Dénonçant le mythe des « races supérieures », cet anticlérical admirait cette « religion laïque » et les croyances et philosophies orientales autant que la pensée grecque. De sa collection, il a gardé le plus intime, les statuettes bouddhiques posées sur son bureau en pleine guerre, quelques théières, des estampes qui nourrissaient son dialogue avec les impressionnistes, le couple de dieux-renards gardant sa maison de Vendée, mais aussi une collection unique de boîtes à encens… L’exposition est un joli mélange de ces souvenirs, documents d’époque et des peintures de son ami Monet.

« Clemenceau, le Tigre et l’Asie »

Musée Guimet, 6, place d’Iéna, Paris-16e
www.guimet.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°669 du 1 juin 2014, avec le titre suivant : Un autre Clemenceau

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