La critique

Exposer Bill Viola, un pari impossible

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 16 mai 2014 - 256 mots

Bill Viola est un immense artiste. Depuis qu’il a commencé à utiliser la vidéo, à la fin des années 1970, il n’a cessé de la porter au plus haut de ses capacités techniques en réussissant toujours à les transcender au bénéfice du contenu de l’œuvre.

Cependant, au fil du temps, les développements technologiques de ce médium l’ont parfois entraîné à une mise en scène excessive tirant sur le spectaculaire, la multiplication des écrans et/ou la durée de projection. Pourtant, depuis que l’occasion nous a été donnée de voir son travail au coup par coup, quelques pièces seulement dans le même moment, cela n’a jamais vraiment handicapé la possibilité du regard. Parce qu’elle se veut rétrospective, parce qu’elle rassemble pas moins de vingt œuvres magistrales de l’artiste offrant à voir cinquante écrans, parce qu’elle nécessite un total d’environ huit heures de visionnage, l’exposition du Grand Palais s’avoue elle-même un pari impossible [jusqu’au 21 juillet 2014]. Pari perdu. Le visiteur, qui va tout d’abord d’un pas serein, se voit assez vite contraint de l’accélérer, c’est-à-dire de ne pas voir chaque vidéo dans son entier. Non seulement il fatigue, aucune commodité – ou si peu ! – ne lui étant proposée, mais les salles manquent d’espace dans leur ensemble et l’obscurité permanente est pénalisante. Aussi ne peut-il sortir de cette exposition qu’irrémédiablement frustré. La leçon est simple : l’œuvre impressionnante de Bill Viola ne supporte pas l’idée de rétrospective. Elle ne peut se consommer qu’à petites doses tant elle exige du regardeur une pleine disponibilité physique, mentale et sensible.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°669 du 1 juin 2014, avec le titre suivant : Exposer Bill Viola, un pari impossible

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