Centre d'art

Hyères (83)

La Villa Noailles

Par Alexis Jakubowicz · L'ŒIL

Le 15 mai 2014 - 452 mots

Les pierres du monastère ont englouti la colline du Vieux Château pour amonceler en contrebas des murailles féodales une maison moderne.

C’est la Villa Noailles, marquée par le sceau d’un étrange destin, jetée du haut du ciel en 1923 comme depuis un gobelet. Déboulée faces saillantes, peut-être a-t-elle entraîné dans sa chute la ruine du clos Saint-Bernard pour se coucher sous lui sur la montagne. Le sentiment passe commun du cœur en tête de tous les visiteurs, soufflant que la nature s’est arrangée pour tailler la Villa à même le calcaire et le schiste dans la face du Castéou. À l’instar d’un chroniqueur venu y faire un reportage en 1928, on note que la construction, vue de la plaine, « se relie si bien avec les ruines qu’elle semble un rejeton du château défunt ». Man Ray, qui a porté l’œilleton sur les hauteurs d’Hyères, y voit dans les binocles de Stéphane Mallarmé un Craps, une Quinette, un 421, un Cul de chouette lancé sur les terrasses de la forteresse, autrefois vouées aux cultures maraîchères.

Les formes cubiques du nouveau château lui font penser, comme au poète, qu’« un coup de dé jamais n’abolira le hasard ». Ainsi, de la maison, Ray tourne Les Mystères pour le compte du vicomte, grand commandeur des arts et de cette entreprise. La Villa, qui tait la particule de son propriétaire, s’appelle bien Noailles. Charles de, l’a voulu petite, sur la terre reçue en cadeau de sa mère à l’occasion de son mariage avec Marie-Laure Bischoffsheim. Son point de vue sur les îles d’Or, le mécène a songé aller se le faire voir par Mies van der Rohe au Bauhaus de Weimar ou par Le Corbusier. C’est finalement à Robert Mallet-Stevens qu’il en confie la charge, avec pour seul mot d’ordre d’y faire une modernité « intéressante à habiter ». L’architecte, jeune alors de 37 ans, l’a faite comme une fleur tournée vers le soleil, carrée, sans rien y dessiner que l’absolue nécessité.

Elle germe doucement jusqu’à se faire pousser des ailes, un salon rose, un squash, une piscine et un gymnase qui ont vu défiler le ban et l’arrière-ban de toutes les avant-gardes, biceps et bijoux en justaucorps rayés : Buñuel, Nabokov, Giacometti encore, y font un festival juste avant que l’hiver de l’Europe ne tombe aussi sur le Midi. Après quoi se fane la Villa, Monsieur la déserte et Madame la laisse choir aux lézards sur les murs, aux algues dans le bassin, aux herbes grasses, et, juste avant qu’Hyères ne s’en porte acquéreur, aux rôdeurs. Rebâtie en musée, on y fait parader désormais la mode, le design et la photographie, mais rien n’y a « lieu / que le lieu ».  Alexis Jakubowicz

Où ?
Montée Noailles, Hyères (83)

Quoi ?
À venir, « Design parade 8 », du 5 juillet au 29 août 2014

Comment ?
www.villanoailles-hyeres.com

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°669 du 1 juin 2014, avec le titre suivant : La Villa Noailles

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