Arobase ?

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 15 mai 2014 - 455 mots

Fauteuil On imagine aisément le trait de crayon qui gratte la page blanche : une calligraphie avec un profil en forme de cercle, tel un symbole cabalistique.

Le geste, en réalité, n’est pas si éloigné de celui qui dessine cet autre caractère typographique cher aux libellés des adresses électroniques : l’arobase. Sauf que, contrairement au fameux « a commercial », la ligne ne refait pas un tour sur elle-même, mais s’interrompt, générant, au final, un signe ouvert. Dans le cas présent, il s’agit, en l’occurrence, d’un fauteuil en bois naturel imaginé par le designer William Sawaya, de la galerie italienne Sawaya & Moroni, et baptisé 4 Olga, comprendre « For Olga », autrement dit « Pour Olga ».

Pour William Sawaya, ledit siège résulte tout simplement « de l’acrobatie dynamique d’un volume, d’un saut périlleux réussi  et effervescent ». Décomposons donc ladite pirouette :  soit d’abord un dossier qui plonge quasiment à la verticale vers le sol pour façonner la base du siège en se gondolant légèrement, puis remonte et s’aplatit un tant soit peu au centre pour former l’assise tout en s’évasant copieusement sur les deux côtés pour devenir accoudoirs, enfin, dans  un même mouvement, file une nouvelle fois vers le sol,  de part et d’autre du dossier, afin de constituer deux pieds  qui arrimeront l’ensemble et assureront sa stabilité.  « Cette description de 4 Olga ressemble à un mouvement tourbillonnant qui pourrait vous laisser à bout de souffle », souligne Sawaya, un brin lyrique. « Or, en fin de compte, c’est le développement statique de ce fauteuil qui a initié cette forme. » Une forme aux dimensions des plus généreuses… Sauf qu’il ne faut pas prendre les enfants  du Bon Dieu pour des canards sauvages ou des vessies pour des lanternes. Si le dessin, lui, semble bel et bien avoir été effectué d’un trait, au sens propre comme au sens figuré,  il n’en va pas de même quant à la fabrication de cette pièce, bien au contraire. Les logiciels les plus performants ont, certes, reproduit l’objet en 3D sans la moindre hésitation.  En revanche, techniquement parlant, aucune fraiseuse industrielle n’a pu « tailler » l’objet d’un seul tenant. Le siège a donc été « découpé » en plusieurs éléments qui ont chacun été usinés séparément, puis assemblés avec minutie comme si, au final, ils ne faisaient qu’un. Visuellement, on se laisse aisément piéger, preuve que ce numéro de contorsionniste fonctionne à plein.

À SAVOIR
Le fauteuil en bois 4 Olga est édité en série limitée de 10 pièces  3 épreuves d’artiste, au prix de 42 000 €. Il existe également une version en résine laquée produite en série. www.sawayamoroni.com

À VOIR
Né en 1948 à Beyrouth, William Sawaya a ouvert, en 1978, à Milan, avec Paolo Moroni, la galerie Sawaya & Moroni. Familière des « virtuosités spatiales », elle édite notamment des stars de l’architecture comme Zaha Hadid, Daniel Libeskind ou Dominique Perrault

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°669 du 1 juin 2014, avec le titre suivant : Arobase ?

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