« Se perdre dans le Louvre constitue l’un des plaisirs de la visite »

Le Louvre - Geneviève Bresc-Bautier

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 20 février 2014 - 812 mots

Grande spécialiste du Louvre, la directrice du département des Sculptures signe chez Citadelles & Mazenod un vibrant au revoir au musée.

L’œil Quelle est l’ambition  de ce livre qui paraît alors que vous quittez le musée où vous officiez depuis trente-cinq ans ?

Geneviève Bresc-Bautier Pour moi, c’est une manière de dire au revoir au Louvre, en racontant sa vie et son histoire ; de sa fondation comme château au XIIe siècle à nos jours. En m’appuyant sur les grandes phases historiques, son développement architectural et son décor, je voulais raconter son histoire dans la durée et montrer que le Louvre est semblable à un corps, qui a subi de constantes transformations physiques, intellectuelles, sentimentales mais aussi politiques.

Certaines photographies  sont assez surprenantes, elles ne présentent pas la déférence à laquelle on pourrait s’attendre, pourquoi ?
Je souhaitais sortir du regard trop bien cadré que l’on porte d’ordinaire sur les œuvres, ne pas les montrer uniquement sous leur meilleur angle, mais telles qu’on les voit dans le musée. J’assume le fait que la Joconde soit derrière une glace et de travers parce que c’est malheureusement comme cela que le public la voit. Mais il y a aussi de superbes reproductions en double page, car sans cela il est impossible de restituer le choc esthétique que l’on ressent en découvrant les œuvres. Mais en même temps, on ne se prive pas de mettre en avant des œuvres surprenantes ; de fait, on n’a pas forcément choisi le grand chef-d’œuvre attendu pour illustrer certaines salles. Évidemment, les incontournables sont tous là, mais ils voisinent avec des pièces plus inattendues, traitées à l’égal des grands chefs-d’œuvre.

Votre parcours ménage d’ailleurs des chemins de traverse, pourquoi ?
Je crois que se perdre dans le Louvre constitue l’un des plaisirs de la visite, je pense que l’on a besoin d’une errance et c’est cette atmosphère de balade que j’ai voulu conférer au livre. Cette attitude de déambulation est primordiale car elle incite à s’interroger à la fois sur le lieu et les pièces qu’il conserve ainsi que sur la cohérence entre les espaces et les œuvres. Cela permet de révéler le monument, ce qui est essentiel, car le public s’attend moins à la dimension palatiale du musée. Il vient voir des collections et il faut lui montrer qu’il est aussi dans un site exceptionnel et un grand laboratoire artistique.

Pensez-vous avoir épuisé le sujet ?
Je crois que c’est un sujet inépuisable. Personnellement, je travaille sur ces questions depuis la création des salles d’histoire du Louvre en 1989, date à laquelle j’ai créé la base de documentation sur ce sujet. Et, parallèlement à cet ouvrage, je collabore également à un autre livre sur l’histoire du Louvre, une publication scientifique qui retracera l’histoire de l’institution et de ceux qui l’ont faite. Malgré mon départ à la retraite, je ne quitte donc pas définitivement le Louvre. D’autant que je poursuis un autre projet de recherche : l’histoire du Musée des monuments français, musée dont une partie du fonds a rejoint le Louvre. Il s’agit d’un projet commun entre le musée et l’Institut national de l’histoire de l’art. Nous avons déjà commencé le catalogue de ses collections et nous espérons pouvoir réaliser une restitution 3D pour créer une visite virtuelle de ce musée qui a été un jalon de la muséologie et de l’histoire.

Plongée vertigineuse au cœur de l’histoire du Louvre

68 000 m2, 35 000 œuvres, 403 salles, une histoire séculaire et des pièces parmi les plus célèbres de l’art occidental – La Joconde, La Liberté guidant le peuple, ou encore La Vénus de Milo –, le Musée universel est aussi celui de tous les superlatifs. Pour rendre compte de la dimension physique et métaphorique du Louvre, il fallait bien un ouvrage monumental de 544 pages et plus de six kilos. L’entreprise, mise en œuvre par Citadelles & Mazenod et les Éditions du Louvre, a été menée de main de maître par Geneviève Bresc-Bautier. Avec la complicité du photographe Gérard Rondeau, dont l’objectif se fait tantôt amoureux – il faut voir la gourmandise avec laquelle il saisit la grâce des séants marmoréens – tantôt amusé, comme en témoignent ses cadrages iconoclastes et parfois irrévérencieux. Il faut effectivement une bonne dose d’audace pour trancher la tête d’un portrait de David ou immortaliser La Joconde de trois quarts et derrière sa vitre. Pour tenir la plume, rien de moins que la plus grande spécialiste de l’histoire du Louvre, qui livre sur un ton plaisant et érudit les innombrables histoires et anecdotes qu’elle a accumulées au cours de ses trente-cinq ans de carrière dans cette prestigieuse maison. Son récit passionné, et passionnant, nous fait entrer dans la légende et les aléas de ce haut lieu patrimonial et révèle la splendeur du palais comme jamais auparavant. Ainsi, alors que l’on pouvait craindre un énième ouvrage sur le musée, on savoure une somme enthousiasmante, appelée à devenir incontournable.

Geneviève Bresc-Bautier

Le Louvre
photographies de Gérard Rondeau
Citadelles & Mazenod et Éditions du Louvre, 544 pages, 375 €.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°666 du 1 mars 2014, avec le titre suivant : Le Louvre - Geneviève Bresc-Bautier

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