Bruno Cautrès - La culture impacte-t-elle les votes ?

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 18 février 2014 - 661 mots

Bruno Cautrès est chercheur CNRS au CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po). Il a notamment coécrit Le Vote des Français de Mitterrand à Sarkozy aux Presses de Sciences Po, 2012.

La sociologie électorale  s’est-elle penchée sur l’impact des contenus culturels  des politiques sur les intentions de vote ?
Bruno Cautrès - Il y a eu de nombreuses études sur les politiques culturelles et l’action municipale, mais pas sur la place de la culture dans l’intention de vote ; certainement car cet aspect est  très difficile à démontrer. Traditionnellement, l’analyse des intentions de vote emprunte les grandes directions de recherche classiques : l’appartenance à un univers politique, la dimension affective du vote et enfin le prisme sociologique ; c’est-à-dire l’idée que  le vote est lié à la position qu’occupe l’électeur dans les hiérarchies du statut socio-économique. Cette approche envisage dans quelle mesure le vote est lié à l’appartenance sociale, au territoire, à la religion ou encore au niveau d’éducation. C’est d’ailleurs sans aucun doute à travers cette dernière question que la dimension culturelle peut intervenir. La question de la culture se retrouve aussi dans une des facettes de la géographie électorale, à travers l’étude de la gentrification, c’est-à-dire la boboïsation des centres-villes, et la place grandissante de la culture dans la transformation de ces quartiers. Cela peut d’ailleurs être  un enjeu politique pour un élu de se positionner en faveur de la culture contemporaine et de la création, ou au contraire de miser sur une culture plus évocatrice du passé ou  de l’identité d’une ville.

Diriez-vous qu’aujourd’hui  les politiques culturelles sont plus présentes dans les programmes des candidats ?

Je ne pense pas que cela soit le cas pour l’élection présidentielle, ni pour l’élection européenne. D’ailleurs, l’Union européenne, qui est un acteur culturel important qui finance de grands projets, n’est pas du tout identifiée sur ces questions-là.  En revanche, pour les municipales, surtout dans les grandes villes,  la culture est un domaine important de l’action politique. Mais je pense que l’impact de la culture est indirect dans l’intention de vote. Les électeurs prennent en compte des éléments très disparates dans l’évaluation de  la politique de leur maire, et l’action culturelle n’en est qu’une facette.  Ce qui compte surtout c’est de savoir si l’élu s’est lancé dans des projets coûteux qui, à tort ou à raison d’ailleurs, peuvent donner aux électeurs l’impression que cela a augmenté leurs impôts. L’autre grand prisme d’évaluation est la question  de l’aménagement urbain. Ce sont donc les grandes questions de la vie dans la cité qui dominent l’évaluation que les électeurs font d’un candidat.

Y compris pour les élus qui misent fortement  sur la culture ?
Si le maire a mené une politique culturelle très audacieuse qui a eu  des conséquences positives et quantifiables, notamment des retombées économiques, cet aspect de son mandat peut indéniablement aider à sa réélection. Au contraire, si le maire s’est lancé dans un projet culturel pharaonique et dispendieux qui ne remplit pas les attentes, cela peut fortement nuire à son bilan. Il est vrai que dans certaines villes la culture a pris une place très importante ; je pense par exemple à Lille où Martine Aubry a capitalisé sur la réussite de la Capitale de la culture. D’autres villes possèdent, en outre, une longue tradition culturelle, comme Grenoble. Il est évident que dans la mémoire collective de cette ville, et dans la manière dont elle se pense, la dimension culturelle joue un rôle éminent ; par conséquent, les élus se doivent de l’intégrer dans leur politique.

Discipline
La sociologie électorale étudie les intentions de vote et les motivations des électeurs.

35,5 %
C’est le taux d’abstention record enregistré aux élections municipales de 2008.

« Souvenez-vous de la campagne municipale de 2008, celle de la réélection de Gérard Collomb au premier tour. Cette campagne pouvait se résumer à un tract constitué de deux photos où l’on voyait les berges du Rhône avant et après leur réaménagement. »
Laurent Burlet, Rue89Lyon, 28 août 2013.

Légende photo

Bruno Cautrès, chercheur CNRS au CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po)

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°666 du 1 mars 2014, avec le titre suivant : Bruno Cautrès - La culture impacte-t-elle les votes ?

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