Un Goltzius sous la ceinture

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 27 janvier 2014 - 325 mots

Vous aimez les reconstitutions historiques ou les films inspirés de la vie des grands maîtres… Passez votre chemin ! La nouvelle production de Peter Greenaway risque de vous décevoir.

Alors que le précédent film du réalisateur sur Rembrandt était plutôt intéressant, son nouvel opus exaspère, tant le choix d’un artiste comme rôle-titre apparaît comme un simple alibi culturel. De fait, ici rien n’évoque réellement les œuvres ou l’univers d’Hendrik Goltzius, peintre et graveur néerlandais du XVIe siècle, dont le personnage lui-même est réduit à celui d’un camelot tentant de s’attirer les bonnes grâces d’un mécène potentiel. Le film nous raconte comment, désireux de créer sa propre imprimerie, Goltzius démarche le marquis d’Alsace, qu’il réussit à intéresser à son projet en lui promettant d’éditer un ouvrage réunissant des gravures érotiques inspirées de l’Ancien Testament. Pour achever de le persuader, il lui propose de faire jouer ces scènes sulfureuses par une troupe de théâtre. Vous ne connaissiez pas cette anecdote ? Rien d’étonnant à cela, car il s’agit d’une pure invention du cinéaste. Commence alors un mauvais et interminable téléfilm érotique en costume. Avec au programme les six tabous sexuels de la Bible : voyeurisme, inceste, adultère, pédophilie, prostitution et nécrophilie…

N’en jetez plus ! On ressort passablement fatigué de ce film qui se voudrait provocant, subversif, sexy, mais qui s’avère grotesque. Pire que tout, il se prend au sérieux en délivrant au passage de grands discours sur la liberté, la censure et l’intolérance religieuse. Ainsi, le marquis qui se revendique comme un chantre de la liberté d’expression se révèle un affreux tyran libidineux qui opprime les comédiens, qui eux sont des esprits libres animés par l’amour de l’art. Justement, et l’art dans tout cela ? À dire vrai, on cherche encore ! Les rares incursions artistiques se cantonnent à un diaporama accéléré d’œuvres illustrant les tabous bibliques et à des décors prétendument arty ; soit une usine désaffectée qui rappelle les pires clichés du théâtre d’avant-garde.

Goltzius, & la compagnie du pélican, un film de Peter Greenaway, sortie le 5 février 2014.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°665 du 1 février 2014, avec le titre suivant : Un Goltzius sous la ceinture

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