Centre d'art

Les artothèques, l’art pour tous !

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 27 janvier 2014 - 800 mots

Structures peu connues, les artothèques font pourtant entrer l’art actuel dans les lieux les plus improbables : une école, une entreprise, un hôpital… et même nos salles à manger.

Accrocher un Tàpies chez soi, même sans être collectionneur ? Faire découvrir à ses invités l’œuvre d’un artiste émergent, alors qu’on pensait ne rien connaître (ou presque) à l’art contemporain ? C’est ce que proposent les artothèques. Ces structures méconnues du grand public proposent d’emprunter une œuvre pour une durée déterminée – comme le font les bibliothèques pour les livres – et se former un goût. Avec chaque pièce, une notice est remise à l’emprunteur. Une documentation plus large est en général disponible sur place. « Souvent, les gens poussent la porte en murmurant qu’ils n’y connaissent rien. Ils choisissent une œuvre qui les touche. Puis, au fil des mois, on s’aperçoit qu’ils ont une sensibilité particulière à un courant pictural. Alors, on peut les conseiller », remarque Claire Tangy, directrice de l’artothèque de Caen. Car il ne s’agit pas simplement de décorer son intérieur, mais bien de découvrir l’art contemporain. « Quand on amène une œuvre chez soi, le rapport qu’on noue avec elle est très intime, très différent de celui qu’on a en la regardant quelques minutes dans une exposition », insiste Claire Tangy.

Des prêteurs d’œuvres
Les premières artothèques ont été créées entre 1983 et 1986, en même temps que les Fonds régionaux d’art contemporain (Frac), dans le cadre de la politique de décentralisation menée par le ministre de la Culture Jack Lang. Elles sont aujourd’hui quarante, fédérées au sein de l’Association de développement et de recherche sur les artothèques (Adra). De structures associatives ou adossées à des institutions (musées, écoles d’art, bibliothèques…), subventionnées par les collectivités pour leur mission de service public, elles s’étendent sur un territoire en général à l’échelle de la commune, voire de la région ou du département. Leur but : faire pénétrer l’art contemporain dans les espaces qui en sont a priori coupés, par le prêt et la médiation. Par exemple, l’artothèque du Limousin, avec le Centre international d’art et du paysage, monte chaque année depuis huit ans une exposition d’art contemporain, dans la commune de Royère-de-Vassivière, sur le plateau de Millevaches. « Habitants et commerçants choisissent avec nous les pièces qui sont exposées dans le tabac, chez le garagiste, le salon de coiffure… Si certains étaient critiques il y a quelques années, aujourd’hui, le projet éveille curiosité et enthousiasme au sein de la population et des estivants », observe Catherine Texier, directrice de l’artothèque et coprésidente de l’Adra.
Car les artothèques ne se contentent pas de prêter leurs pièces à des particuliers, elles touchent les espaces les plus divers, entreprises, écoles, hôpitaux ou prisons. « Nous construisons les projets sur le long terme, en collaboration avec les équipes sur place », insiste Anne Peltriaux, directrice de l’artothèque de Pessac et coprésidente de l’Adra. Ainsi, à l’Institut Bergonié, spécialisé dans la lutte contre le cancer, le personnel, impliqué dans le projet, est sensibilisé aux œuvres contemporaines prêtées par l’artothèque de Pessac et exposées dans les différents services. Médecins comme infirmiers peuvent dès lors s’en faire aussi les ambassadeurs auprès des malades et de leur famille. « Le dialogue peut se nouer à travers les œuvres. L’art contemporain permet de faire de l’hôpital un lieu ouvert sur l’extérieur et sur la vie », observe Laura Innocenti, responsable de l’unité culture et santé de l’Institut.

Des dénicheurs d’artistes
Aussi, certaines collectivités territoriales continuent-elles d’investir malgré la crise dans ces artothèques pour favoriser leur développement. C’est ainsi que celle de Caen vient d’emménager en septembre dernier dans le Palais ducal de la ville. « Ce bâtiment du XIVe siècle a drainé un nouveau public, qui vient visiter ce monument historique et en profite pour parcourir nos expositions. Et celles-ci sont d’autant plus intéressantes que leur espace a pu être multiplié par trois. Nous avons ainsi reçu 20 000 visiteurs de septembre à décembre 2013, contre 13 000 auparavant en un an », se félicite Claire Tangy. Car les artothèques ne se contentent pas de prêter des pièces : elles dénichent aussi des artistes, constituent une collection, accueillent quand elles le peuvent des résidences d’artistes, organisent conférences, rencontres et débats et montent des expositions, souvent en partenariat avec d’autres acteurs culturels. Ainsi, jusqu’au 3 avril, l’artothèque de Pessac propose une exposition intitulée « Les dérivés de la photographie », en collaboration avec le Frac Aquitaine à Bordeaux et le centre d’art image/imatge à Orthez. « Chaque fois que je vais emprunter une œuvre, je parcours l’exposition, toujours de grande qualité, pour découvrir de nouveaux artistes », confie Estelle Hébert, adhérente depuis une dizaine d’années. « D’ailleurs, on y voit de plus en plus de monde. Et le nombre d’œuvres disponibles au prêt explose », observe-t-elle. À suivre. 

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°665 du 1 février 2014, avec le titre suivant : Les artothèques, l’art pour tous !

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