Emmanuel Gérard : Aubusson et la création ?

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 27 janvier 2014 - 670 mots

Né en 1959, Emmanuel Gérard dirige la Cité internationale de la tapisserie depuis 2010 après avoir été fondateur associé d’Arc Essor, cabinet de consultants en ingénierie culturelle et touristique

Depuis 2010, le Fonds régional pour la création de tapisseries contemporaines désigne les lauréats de projets de tapisseries qui, une fois tissés, rejoignent les collections du Musée d’Aubusson. Pourquoi renouer aujourd’hui avec la création contemporaine ?
Emmanuel Gérard : La réflexion qui a été celle du Syndicat mixte de la Cité internationale de la tapisserie et de l’art tissé, et des élus d’Aubusson, est qu’il fallait à la fois renouveler l’image de la tapisserie d’Aubusson et montrer qu’avec un passé riche de plus de cinq cents ans elle était capable d’écrire de nouvelles pages de son histoire. Nous avons donc mis en place un fonds pour la création contemporaine, un dispositif attractif que nous médiatisons à travers des appels à projets.

Quels sont les enjeux de ce dispositif ?
C’est un projet global qui doit à la fois rester celui de l’excellence – au prix du mètre carré d’une tapisserie d’Aubusson, c’est une question de survie ! – et s’inscrire dans la préservation d’un savoir-faire, de l’image de la ville d’Aubusson… Les enjeux sont ceux de l’attractivité du territoire, du maintien et du développement des emplois, du tourisme, etc.

Combien d’emplois gravitent autour de la tapisserie d’Aubusson ?
Cela représente un peu plus de 120 emplois, pour trois manufactures et sept ateliers. Ce sont des emplois de lissiers et de la communauté professionnelle, à savoir les filateurs – sur les cinq filatures qui restent en France, deux sont en Creuse –, les teinturiers…, tous ces métiers qui contribuent à l’identité de la tapisserie en constituant un savoir-faire collectif propre à Aubusson. Ces emplois étaient au nombre de 400 en 2000. Mais, à cette date, toute une génération de professionnels qui a connu la grande vague de la tapisserie d’après-guerre (avec Jean Lurçat) est partie à la retraite. Il nous faut donc aujourd’hui organiser la transmission du savoir-faire, c’est important.

Comment la collaboration avec les artistes est-elle perçue par les lissiers ?
Nous demandons désormais à l’artiste d’être le maître d’œuvre de son projet. Lorsqu’un projet intègre d’autres savoir-faire, comme celui de Vaulot et Dyèvre, Grand Prix 2013, qui intègre de la céramique, le lissier ne doit pas être seul maître d’œuvre. Tout le monde s’enrichit : l’artiste qui a un retour de la part d’un lissier qui maîtrise une écriture tissée, et le lissier qui est invité, par l’artiste, à se poser des questions. Souvent, des projets qui ne semblaient d’abord pas réalisables le deviennent au fur et à mesure du processus. Dans le cas de la tapisserie de Marc Bauer, 2e prix en 2011, il a fallu par exemple développer des techniques nouvelles pour répondre à la volonté de l’artiste.

À qui ces tapisseries sont-elles destinées ?
Elles sont d’abord destinées au musée ; nous sommes un établissement public, nous n’avons donc pas de vocation commerciale ; mais les ateliers qui les réalisent eux, bien sûr, ont cette vocation. Nous sommes donc conduits à avoir une politique de promotion qui soit susceptible de donner envie à des acheteurs publics ou privés de demander des retissages. Nous n’avons pas beaucoup développé cet aspect, car il s’agit d’une politique encore récente, mais nous allons désormais nous y attacher. Certaines pièces du fonds, comme la Peau de licorne de Nicolas Buffe, Grand Prix 2010, commencent à être connues.

Une cité
La construction d’une Cité internationale de la tapisserie est en cours. Le projet a été lancé en 2009, avec l’inscription de la tapisserie d’Aubusson à l’Unesco. Elle ouvrira ses portes en 2015.

2 800 M2
Les espaces de la Cité seront quasiment triplés par rapport au musée actuel (550 m2). Ils passeront ensuite à 4 000 m2.

« La Cité internationale de la tapisserie et de l’art tissé représente un ambitieux projet à la fois patrimonial et économique autour du "mythe Aubusson". » Jean-Jacques Lozach, sénateur, président du conseil général de la Creuse

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°665 du 1 février 2014, avec le titre suivant : Emmanuel Gérard : Aubusson et la création ?

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