Nomination

Ousmane Sow, ambassadeur de l’épée

Par Colin Cyvoct · L'ŒIL

Le 16 janvier 2014 - 640 mots

Premier Africain élu à l’Académie des beaux-arts, le sculpteur Ousmane Sow a été accueilli le 11 décembre 2013 sous la coupole du Quai de Conti.

Ousmane Sow en habit d'académicien en 2013 © Photo Brigitte Eymann / Académie des beaux-arts
Ousmane Sow en habit d'académicien en 2013.
© Photo Brigitte Eymann / Académie des beaux-arts

L’Académie des beaux-arts honore ainsi un artiste qui ne s’est jamais soucié d’académisme, un inventeur de formes d’une incroyable liberté, à fleur de muscles et de peau. Né à Dakar en 1935, il grandit à Rebeuss, l’un des quartiers les plus chauds de la capitale sénégalaise. À 23 ans, peu de temps après la mort de son père, Ousmane Sow débarque à Paris. Il y vit de petits boulots, entreprend des études d’infirmier en 1958, fréquente les étudiants des Beaux-Arts et découvre les œuvres de Paul Klee, d’André Breton, de Max Ernst et de Wifredo Lam. En 1960, le Sénégal devenant indépendant, Ousmane Sow opte pour la nationalité sénégalaise. De 1961 à 1963, il suit des études de kinésithérapeute à Paris. Jusqu’en 1978, date de son retour définitif à Dakar, il partage sa vie entre la France et le Sénégal. Il exerce le métier de kinésithérapeute jusqu’en 1985, tout en transformant ses appartements successifs en ateliers de sculpture, détruisant ou abandonnant derrière lui toutes ses créations.

Le Pont des Arts
À cinquante ans, sa vie bascule : il décide de ne plus se consacrer qu’à la sculpture. Après plusieurs décennies passées à soigner les corps, il entreprend de leur donner forme et consistance en les modelant avec une mixture secrète, faite de terres, de sables, d’herbes, de paille, en tout une vingtaine de matières longuement macérées. Remarqué en 1987 au Centre culturel français de Dakar où il présente sa première série de Lutteurs, il enchaîne les expositions : 1989 à Bordeaux et à La Vieille Charité à Marseille, 1992 à la Documenta de Kassel, 1995 au Palazzo Grassi à l’occasion du centenaire de la Biennale de Venise… Sa notoriété prend un essor décisif en 1999 : soixante-huit sculptures sensuellement farouches envahissent le pont des Arts à Paris. Plus de trois millions de visiteurs découvrent les lutteurs noubas, les guerriers massaïs, les bergers peuls, et cette somptueuse fresque en trois dimensions de la bataille de Little Big Horn où indiens Sioux et Cheyennes remportèrent une ultime victoire face à la cavalerie du lieutenant-colonel Custer. Après ces imposantes séries, l’artiste entreprend de représenter des personnalités, de celles qui aident à ne pas « désespérer du genre humain » : son propre père, un poilu de 14-18 médaillé de la Croix de Guerre, Mandela, Martin Luther King, Mohamed Ali, Victor Hugo (visible sur la place des Droits de l’Homme à Besançon) ou Toussaint Louverture – libérateur d’Haïti mort dans une prison française –, une commande de la ville de La Rochelle.

Laissons conclure le nouvel académicien le jour de son intronisation : « Rien de ce qui m’arrive cet après-midi ne m’est habituel : roulements de tambour, décoration, un habit de prince conçu par Monsieur Azzedine Alaïa, un grand couturier au talent de sculpteur […]. Mon élection a d’autant plus de valeur à mes yeux que vous avez toujours eu la sagesse de ne pas instaurer un quota racial, ethnique ou religieux pour être admis parmi vous. Comme mon confrère et compatriote sénégalais Léopold Sédar Senghor, élu à l’Académie française il y a trente ans, je suis africaniste. Dans cet esprit, je dédie cette cérémonie à l’Afrique tout entière, à sa diaspora, et aussi au grand homme qui vient de nous quitter, Nelson Mandela. »

Repères

1935
Naissance à Dakar

1984
Première série de sculptures : les Nouba

1995
Exposition au Palazzo Grassi, à l’occasion du centenaire de la Biennale de Venise

1999
La bataille de Little big Horn, série de 35 pièces exposées sur le pont des Arts à Paris

2013
30 ans après l’élection de Léopold Sédar Senghor à l’Académie française, Ousmane Sow est le premier Africain à rejoindre l’Académie française des beaux-arts, le 11 décembre

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°665 du 1 février 2014, avec le titre suivant : Ousmane Sow, ambassadeur de l’épée

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