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Les luminaires Art déco

Les lignes des luminaires dessinés après la Première Guerre mondiale n’ont pas pris une ride.

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 22 novembre 2013 - 894 mots

Tandis que la Cité Chaillot consacre une exposition à l’Art déco, la maison Jean Perzel, spécialisée dans la fabrication de luminaires haut de gamme, souffle sa 90e bougie après avoir obtenu le label « Entreprise du patrimoine vivant » en 2008.

Depuis 1923, elle n’a cessé de produire, dans ses ateliers, les luminaires épurés et indémodables de son créateur. Après la Première Guerre mondiale, en réaction aux courbes poétiques de l’Art nouveau désormais qualifié de « style nouille », une nouvelle esthétique voit le jour. L’Art déco, avec ses formes géométriques, échos de la modernité, s’empare de l’architecture et des métiers d’art. « Les lampes, qui bénéficient d’innovations techniques, par exemple pour bomber le verre, y occupent une place primordiale, donnant vie aux volumes », souligne François Tajan, coprésident d’Artcurial. Aujourd’hui, ces luminaires ont à nouveau le vent en poupe. « Il y a quelques dizaines d’années, les plus beaux se vendaient pour quelques centaines de milliers d’euros. Ils peuvent désormais dépasser le million, pour les artistes les plus cotés. Ce fut le cas pour une suspension d’Eileen Gray, génie absolu du modernisme, vendue 3 millions lors de la vente Yves Saint Laurent », observe Pauline De Smedt, expert chez Christie’s.

Comment ces lampes ont-elles décroché les étoiles ? Dès leur origine, elles s’adressent à une clientèle aisée. Réalisées par les plus grands représentants de l’Art déco, de Jacques-Émile Ruhlmann à Edgar Brandt en passant par Eugène Printz ou encore René Lalique – dont les lustres transforment, par exemple, la salle à manger du paquebot Normandie en galerie des Glaces –, elles conjuguent des matériaux nobles à une finition parfaite. À la fin des années 1920, l’Union des artistes modernes (UAM), fondée par l’architecte Robert Mallet-Stevens, prolonge ce mouvement dans un style plus industriel – qui le rend plus accessible. Après avoir été éclipsé par le « design » qui, à partir des années 1950, met en avant d’autres formes et d’autres matières, l’Art déco ressurgit sur le marché en 1972, avec la vente de la collection du couturier Jacques Doucet, où on le redécouvre. Suivent, en 2006, celle des collectionneurs Claude et Simone Dray, passionnés par ce mouvement, et, surtout, en 2009, celle d’Yves Saint Laurent. Et la lumière fut !

Perzel, sur le bureau de Corbu
Elle a éclairé les plans de Le Corbusier, comme les dessins de Jacques-Émile Ruhlmann. « Les plus grands architectes et décorateurs du XXe siècle l’avaient posée sur leur table », commente Olivier Raidt, directeur de Perzel. Et pour cause, cette lampe, créée par Jean Perzel en 1927-1928, permet un éclairage puissant, sans aucun éblouissement. Elle est devenue une icône de l’entreprise, qui n’a jamais cessé de la fabriquer dans son atelier : constituée de quatre cylindres de verre optique émaillé, cette pièce minimaliste requiert une centaine d’heures de travail.

Jean Perzel (1892-1986), Lampe, 1927-1928. réf. 162 du catalogue.
Prix : 4 620 euros, Jean Perzel, Paris.


Chez un maharadjah moderniste
Ces appliques ont été conçues par l’architecte allemand Eckart Muthesius pour le bureau du maharadjah d’Indore, meublé par Jacques-Émile Ruhlmann. En 1930, Muthesius reçoit du maharadjah la commande de ce qui deviendra son édifice le plus prestigieux : le Palais de Manik Bagh (« Jardins précieux ») dans l’État du Madhya Pradesh, au centre de l’Inde. Le maharadjah, amoureux des lignes pures, restera le plus important commanditaire de ce chantre du modernisme – version « industrielle » de l’Art déco – incarné par Le Corbusier, Eileen Gray ou Charlotte Perriand. Ces luminaires témoignent des réflexions de Muthesius autour de l’éclairage indirect, au cœur des préoccupations des architectes modernes.

Eckart Muthesius (1904-1989) – Paire d’appliques – vers 1930, en alpaca poli à cache ampoule circulaire à découpe triangulaire et tige de section rectangulaire à large patine de fixation rectangulaire. Vendues 323 600 euros, en juin 2012, Artcurial, Paris.


La plus grande des tentations
Un serpent de bronze qui se dresse et enserre une coupe Daum en verre marmoréen : réalisé par un des plus grands ferronniers de l’Art déco, Edgar Brandt, en collaboration avec la verrerie Daum, figure emblématique de l’Art nouveau, ce lampadaire estimé entre 40 000 et 70 000 euros, a été adjugé 265 000 euros. « Non seulement, il s’agit d’une pièce iconique de Brandt, mais aussi, il appartenait à la collection d’Hélène Rochas, ambassadrice des parfums Rochas, qui fut l’amie d’Yves Saint Laurent et d’Andy Warhol », explique Pauline De Smedt, experte chez Christie’s.

Edgar Brandt (1880-1960) et Daum, lampadaire La Tentation, vers 1920-1926.”¨La coupe évasée en verre marmoréen, reposant sur un piétement en bronze à motif de serpent, la base à décor de vannerie. Hauteur : 168 cm (66 1/8 in.). ”¨Estampillé EBRANDT sur la base et signé Daum Croix de Lorraine Nancy sur la coupe. Adjugé 265 000 euros, en 2012, Christie’s, Paris.


Un rectangle précieux au plafond
Une plaque rectangulaire en verre givré à décor gravé de cailloutis, retenue au plafond par quatre cordages : c’est l’œuvre d’un des créateurs les plus emblématiques de l’Art déco et les mieux cotés, Jacques-Émile Ruhlmann. On y retrouve son fameux motif de cailloutis, présent sous forme de tapis marqueté de bois précieux et ivoire sur certains de ses meubles. Épris des formes pures, finement rythmées, Ruhlmann leur donne forme dans des matières précieuses. Cette suspension de 1925 a été conçue pour l’appartement du puissant patron de presse anglais Lord Rothemer, aménagé par Ruhlmann.

Où acheter des luminaires Art déco

Jean Perzel, 3, rue de la Cité universitaire – Paris 14e. Tél. : 33 (0)1 45 88 77 24, www.perzel.com 

Vente Art déco chez Artcurial, 7, rond-point des Champs-Élysées, Paris 8e, le 25 novembre, www.artcurial.com

Vente Art déco chez Christie’s, 9, avenue Matignon, Paris 8e, le 25 novembre, www.christies.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°663 du 1 décembre 2013, avec le titre suivant : Les luminaires Art déco

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