Catherine Grenier, directeur adjoint du MANM/CCI

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 19 novembre 2013 - 644 mots

Catherine Grenier est directeur adjoint du MNAM/CCI et commissaire générale du nouvel accrochage des collections « Modernités plurielles, 1905-1970 ». Elle est l’auteure, aux Éditions du Regard, de l’essai La fin des musées ?.

L'œil - De quel constat est né le nouveau parcours « Modernités plurielles » du MNAM dont vous êtes le commissaire général ?

Catherine Grenier -
Notre postulat est qu’il n’y a pas une modernité mais des modernités, et que chacune de ces modernités est plurielle. Nous souhaitons apporter une vision renouvelée et enrichie de l’art du XXe siècle. Évidemment, nous continuons d’exposer les grands mouvements, mais en élargissant la scène artistique à une dimension mondiale et à un nombre d’esthétiques beaucoup plus large. Nous procédons davantage par inclusion et confrontation que par substitution ; nous ne remplaçons pas un discours par un autre, mais nous tentons de restituer de la complexité et de la richesse à une histoire de l’art qui, progressivement, est devenue assez réductrice et a écarté nombre d’artistes.

Il s’agit donc d’un travail de réévaluation de vos collections ?
Pas seulement, il s’agit d’une dynamique plus large, d’une ambition plus raisonnée et concertée avec l’Université. Cette proposition est le fruit d’un programme de recherche mené avec de jeunes chercheurs dans le cadre d’un laboratoire d’excellence sur la question de la mondialisation et de la réécriture de l’histoire de l’art du XXe siècle. Cette entreprise a généré un travail considérable sur nos collections, qui nous a permis de réévaluer des œuvres peu valorisées, car elles échappent aux catégories habituelles, partielles, et parfois partiales, de l’histoire de l’art. Pour les scènes qui étaient insuffisamment représentées, nous avons, parallèlement, procédé à des acquisitions.

Quelles productions le public redécouvre-t-il ?
Nous présentons des artistes étrangers qui échappent aux catégories strictes de l’histoire de l’art moderne, mais aussi des artistes français que l’on a oubliés, comme Henry Valensi, fondateur avec Kupka du musicalisme. Un artiste dont nous possédons une importante collection, mais que nous n’avions jamais montrée car le caractère hétérogène et décoratif de son travail l’a écarté d’une histoire de l’art assez puriste. Je pense que cet artiste peut être une des grandes redécouvertes de l’accrochage. Nous consacrons également une section à l’Amérique du Nord. On a longtemps considéré que les Américains n’entraient dans la modernité qu’à partir de l’expressionnisme abstrait, nous souhaitons démontrer le contraire, en mettant en avant des artistes modernistes et réalistes que nous n’avons jamais exposés. Nous présentons aussi beaucoup plus largement les réalismes en cassant le carcan du retour à l’ordre.

S’agit-il d’une démarche pérenne de la part du musée ?
Il s’agit d’une première proposition, il y aura des actualisations dans la présentation, parce que nous prêtons beaucoup d’œuvres et que, par ailleurs, nous continuons à travailler sur la question de la mondialisation. Il ne s’agit pas d’un accrochage thématique parmi d’autres, mais d’un profond changement de regard, et une fois que ce genre de mouvement est lancé, on ne peut plus faire machine arrière.

Ne craignez-vous pas de dérouter le public qui viendrait voir un florilège de chefs-d’œuvre ?
Bien qu’il y ait beaucoup de pièces maîtresses, notre but est aussi d’affirmer que la vocation du musée n’est pas uniquement l’ostentation du trésor, mais aussi de proposer une histoire articulée qui permet au visiteur de comprendre ce qu’est l’histoire de l’art et le contexte dans lequel les œuvres ont été créées. Je pense que le public a une grande envie de pédagogie et de mieux comprendre le monde, et qu’il s’attend à trouver ce type de propositions au Centre Pompidou. D’ailleurs, nos précédentes présentations transversales ont rencontré un succès public et critique, cela prouve que le public aime cette approche de l’art. De plus, nous avons un public très diversifié et nous ne pouvons pas lui montrer seulement de l’art français ou américain, il faut lui expliquer comment chaque pays a participé à l’écriture de la modernité.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°663 du 1 décembre 2013, avec le titre suivant : Catherine Grenier, directeur adjoint du MANM/CCI

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