Renaître, par la sculpture

Compas dans une main et burin dans l’autre, le sculpteur de cette première Renaissance fut un Janus impénitent, certain de devoir regarder les œuvres d’hier pour ouvrir des lendemains radieux, ce que parvient à illustrer magistralement la présente exposition en proposant des anamnèses fécondes, ainsi celle consacrée au Marc Aurèle. Plus que le peintre, possiblement ralenti par des abstractions intellectuelles, le sculpteur florentin des premières décennies du Quattrocento prit acte de cette nécessité de fixer ce qui – sève, regard, frémissement – était susceptible de trahir la ferveur sacrée et la vénusté profane. Le corps devenait l’épiphanie d’une beauté qui, pour être exhumée de l’Antiquité, paraissait comme régénérée. La spatialisation des êtres, le déploiement des gestes, la pesanteur des membres : depuis les reliefs inouïs du Sacrifice d’Isaac (1401) par Brunelleschi et Ghiberti jusqu’aux bustes portraits du milieu du siècle, les œuvres dessinent toutes une même volonté d’incarner la grâce, de lui donner corps, de lui donner chair et de lui donner visage. Et, à ce jeu, Donatello n’eut sans doute aucun rival (Saint Louis de Toulouse, 1422-1425).
Éclairés, les commanditaires surent faire de la cité le siège de cette beauté humaniste, obsédé par la perspective – scientifique – et les perspectives – politiques. L’art n’était plus un seul objet de délectation esthétique, il devenait un instrument de pouvoir, destiné à mettre en œuvre les desseins comme les figures des puissants. Et, à ce jeu, Desiderio da Settignano chercha longtemps un concurrent à sa hauteur (Niccolò da Uzzano). Assomption de la fragilité et de la spiritualité. De la condition humaine. Qu’illuminent une sobre scénographie et un docte catalogue, bréviaire indispensable que desservent pourtant des reproductions parfaitement indigentes. Et, de ce jeu, l’admirable Della Robbia pâtit comme nul autre.