Matthew Barney, refaire l'histoire

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 14 octobre 2013 - 494 mots

Barney est de ces artistes surdoués dont on redoute la présence tant la prestance froide de l’homme est impressionnante.

Regard bleu acier, physique athlétique, voix étonnamment douce et un peu aiguë, il n’est pas dans la séduction, mais dans le contrôle et l’exigence. Rien de surprenant pour celui qui fut recruté par l’université de Yale pour ses aptitudes en football américain à tout juste 18 ans. Cinq ans plus tard, en 1989, il filait vers New York et une carrière d’artiste, laissant derrière lui ses études. Le petit gars élevé par une mère artiste et un père administrateur à Boise dans l’Idaho a depuis fait du chemin. Une success-story de cinéma tant les démarrages du beau gosse (le mannequinat lui ouvrit ses portes après la faculté) ont été fulgurants. Il fut en effet repéré immédiatement par l’éminente galeriste Barbara Gladstone en 1991. Elle reste indéfectiblement à ses côtés aujourd’hui, de tous les projets, même les plus faramineux. 

Epopées cinématographiques
Dès ses débuts performatifs, le vocabulaire visuel est déjà en place, depuis la vaseline givrée jusqu’aux faunes transgenres, une esthétique prosthétique qui fait la part belle aux difformités physiques. On se souviendra lors de son exposition grandiose en 2003 au Guggenheim de New York, rétrospective de son cycle de films Cremaster, qu’il mettra en vedette Aimee Mullins, actrice, athlète et mannequin aux jambes de métal. Arrivé très vite sur l’Olympe de l’art, Barney s’est lancé dans des épopées filmiques démentes, comme celle de Drawing Restraint dont le neuvième opus a été le plus remarqué car il mettait en scène sa compagne (et la mère de sa fille), la chanteuse et compositrice islandaise Björk. Depuis 2007, il travaille avec son complice de toujours, Jonathan Bepler, à une adaptation du roman de Norman Mailer, Nuits des temps, publié en 1983. Barney voue une si grande admiration à l’écrivain qu’il lui a demandé d’incarner en 1999 le magicien Houdini dans Cremaster 2, film inspiré du roman de Mailer Le Chant du bourreau. Voyant toujours aussi grand, Barney faisait voguer à la fin du mois de juin dernier la réplique de la maison de l’écrivain à Brooklyn sur une barge au large de Manhattan. Le film promet à nouveau une expérience visuelle épique, bien que pour une fois il s’appuie sur un script plus précis.

Parallèlement à ses superproductions cinématographiques, Barney recompose l’histoire de ses origines, trouvant des influences visuelles et intellectuelles jusque dans l’Antiquité, exposant des manuscrits et tableaux anciens avec ses propres œuvres. L’exposition qu’accueille la Bibliothèque nationale de France a donné l’occasion à l’artiste de fouiller dans ses collections comme il l’avait fait dans sa très belle exposition au Schaulager de Bâle sur ce principe de perspective historique qu’il affectionne. Sa venue à Paris se doublera aussi d’un tournage : l’artiste investit chaque opportunité à son maximum. Sans jamais laisser transparaître sur son visage régulier et impressionnant de beauté classique une once d’inquiétude, car sa détermination tranquille presque glaçante est à l’image de son travail, impérieuse.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°662 du 1 novembre 2013, avec le titre suivant : Matthew Barney, refaire l'histoire

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