Les comités de sélection, cœur du réacteur de la Fiac et Paris Photo

Par Christine Coste · L'ŒIL

Le 10 octobre 2013 - 1471 mots

Pour participer à la Fiac, comme à Paris Photo, les galeries doivent déposer un dossier de candidature et passer au tamis du comité de sélection. Avec des règles et des enjeux à respecter.

Pour disposer d’un stand, chaque galerie française ou internationale doit préalablement envoyer un dossier de candidature à Reed Expositions où les équipes de Jennifer Flay, pour la Fiac, et de Julien Frydman, pour Paris Photo, officient à sa réception. « Cette année, nous avons reçu 640 dossiers », précise la directrice artistique de la Foire internationale d’art contemporain ; 211 du côté de Paris Photo pour, au final, respectivement, 182 et 135 galeries retenues. Drastique, cette sélection donne la mesure des responsabilités qui incombent aux directeurs de foire et à leur comité de sélection constitué uniquement de galeristes qui, réunis au mois d’avril, examinent les candidatures avant de passer au vote. Sur quels critères ? Depuis quelques années, la question fait débat. Surtout du côté des galeries françaises.

Des pressions de plus en plus fortes
« Nous ne pouvons plus montrer ce que nous voulons, souligne un galeriste, grand habitué de la Fiac. Nous devons présenter un programme avec un choix d’artistes qui peut être, au final, rectifié si celui-ci vient concurrencer celui d’une galerie américaine ou allemande dont  la venue à Paris est souhaitée par les  organisateurs. Ceci alors même que nous payons fort cher notre stand et que  nous continuons à payer nos artistes que nous soutenons dans leur production. » « Toutes les foires deviennent dirigistes », note une consœur présente pour sa part à Paris Photo où le prix des stands tend  à rejoindre ceux de la Fiac : 465 euros le m2 contre 525 euros pour la Fiac. « Fiac, Basel, Frieze… Chacune veut être la plus jolie, la plus brillante, offrir les stands les plus beaux et présenter les artistes dont on parle », note Bernard Zürcher, de la Galerie Zürcher à Paris, qui a fait le choix depuis deux ans de ne plus être à la Fiac. Depuis qu’il fut invité, il y a trois ans, à ne pas exposer Marc Desgrandchamps afin de permettre à la Galerie Eigen Art de Berlin de le faire. « L’arrivée au Grand Palais a modifié la structure et créé un tas de pressions qui n’existaient pas il y a dix ans », relève Bernard Zürcher, qui fut membre du comité de sélection de la Fiac de 2004 à 2007. « Ce n’est plus le galeriste reconnu pour ses compétences et son travail à l’année auprès de ses artistes que l’on invite, mais un projet », ajoute-t-il : le « projet » étant devenu un élément différenciant pour la Fiac et Paris Photo.

Cette « ligne », certaines galeries françaises et une partie de la scène artistique nationale peinent de plus en plus à se retrouver dedans. « Dire que la sélection est particulièrement brutale pour les galeries françaises ou dire que la scène française n’est pas suffisamment représentée est faux, rétorquent Jennifer Flay et Julien Frydman. Il n’y a pas de favoritisme. » « Les galeries françaises sont même plus représentées dans la sélection de la Fiac (30 %) que dans les dossiers reçus (25 %). Soit plus que Frieze, qui compte 25 % de galeries installées en Grande-Bretagne, et Art Basel, qui réunit 54 % de galeries européennes contre 74 % pour la Fiac », constate Jennifer Flay. Selon la directrice artistique, « aucune foire internationale ne donne autant de place à sa scène locale. Le comité de sélection consacre lui-même une journée sur les quatre que dure son premier meeting début avril à Paris aux projets de stands des galeries françaises. » « Ce n’est pas nous qui décidons de la participation de telle ou telle galerie », répond de son côté le directeur de Paris Photo. « Si nous participons à la réunion du comité de sélection et émettons des avis, nous ne votons pas. Et nous ne procédons en aucun cas à une présélection des dossiers tous envoyés par Internet aux membres du comité quelques jours avant notre réunion. Les membres du board sont souverains dans leur choix. » Et le directeur de la foire de préciser que « le comité de sélection n’est pas un club d’amis, mais un comité constitué de galeristes sincèrement investis dans leur mission », « indemnisés chacun d’un forfait de 4 000 euros déductibles du coût de leur stand », indique de surcroît Jennifer Flay. Le jour de la foire, le comité de sélection vérifie que chaque stand correspond au projet déposé. Une galerie qui fait ce que bon lui semble peut ainsi ne pas être retenue l’année suivante. Ce qui est arrivé cette année à la Galerie Baudoin Lebon qui ne participe pas à Paris Photo.

Entrer dans le comité de sélection, une responsabilité

« Accepter d’entrer au comité de sélection d’une foire, demande du temps et du courage », note Martin Béthenod associé de 2004 à 2010 avec Jennifer Flay au redressement de la Fiac en tant que commissaire général. « Car il induit de faire des choix, de prendre des risques et d’être redevable de ses décisions vis-à-vis de ses collègues. » La neutralité absolue des membres qui doivent avoir oublié leurs querelles, leurs rivalités et leurs propres ambitions en entrant dans un comité est-elle pour autant si facilement intégrée ? Les anecdotes qui ponctuent l’histoire de la Fiac et de Paris Photo tendent à faire penser que non.
Un comité de sélection participe à l’identité d’une foire et inversement. Celui ou celle qui la dirige est d’ailleurs un acteur central dans le choix des membres du comité et de leur rythme de rotation. Terminée ainsi pour la Fiac la période des comités aux membres siégeant sans remise en cause du temps de leur mandat. Le renversement des habitudes s’est opéré en 2003 lorsque le directeur général du pôle Culture, luxe et loisirs de Reed, Jean-Daniel Compain, remercia les seize membres de la Cofiac chargés de sélectionner les participants, et décida de dissoudre cette structure gangrénée par les luttes de pouvoir et les rivalités. « Je voulais mettre un terme à l’immobilisme, aux copinages, aux rivalités, rééquilibrer les choses afin d’internationaliser la foire alors en difficulté », explique aujourd’hui Jean-Daniel Compain. C’est lui, avec l’aide de deux anciens membres du comité Cofiac, la galeriste Anne de Villepoix et Jill Silverman de la Galerie Ropac, qui a initié la configuration du nouveau comité de sélection réduit à neuf membres parmi lesquels cinq nouvelles galeries. La réduction drastique de la participation des galeries françaises, qui passent en un an de douze à quatre et en pourcentage de représentativité de 75 à 44 %, colle alors à l’ouverture de la Fiac vers l’international recherchée par son nouveau propriétaire. Et Jennifer Flay, embauchée en novembre 2003 comme directrice artistique par Compain, après que son nom a été conseillé par Anne de Villepoix, d’ajouter : « Nous n’avions toutefois pas encore une idée très précise sur la durée des mandats des galeristes, fixée alors à quatre ou cinq ans, sans que rien ne soit formalisé. »
Depuis cette date, les renouvellements des membres de leur comité, les sorties des uns et des autres, forcées ou volontaires, comme l’arrivée de nouvelles galeries, reflètent les ambitions de la Fiac et de Paris Photo et les enjeux sur un échiquier planétaire aux déplacements de pièces de plus en plus rapides. « Jusqu’en 2006, le monde de l’art s’est organisé en termes de scènes : parisienne, anglaise, italienne, américaine, allemande… Dans un comité, chacune devait être représentée par l’un de ses représentants. Depuis, cette distinction ne s’est pas révélée la plus pertinente, le marché fonctionnant désormais plus par génération, par affinités », constate Martin Béthenod. « Une jeune galerie berlinoise connaît parfois mieux les jeunes galeries parisiennes, londoniennes ou de São Paulo qu’une galerie française d’une autre génération. » Et inversement pour une jeune galerie française telle Balice Hertling dont l’un des fondateurs Daniele Balice est entré en janvier au comité de sélection de la Fiac, à la demande de Jennifer Flay, pour sa connaissance de la scène new-yorkaise.
« Les choix de membres ne sont pas simplement faits par zone géographique mais par transversalité », confirme Jennifer Flay. Car il s’agit plus que jamais de coller, pour la Fiac comme pour Paris Photo, au mieux aux paysages de leurs scènes artistiques et à leurs évolutions de plus en plus rapides et étroitement imbriquées bien que distinctes au niveau de leur positionnement, Paris Photo demeurant la foire photo sans rivale à l’international. Cette année, treize galeries participant à la Fiac seront ensuite à Paris Photo, et pas des moindres : Gagosian, David Zwirner, Thomas Zander, Pace, Metro Pictures, etc., des galeries approchées par Julien Frydman pour lesquelles il ne fait aucun doute que leur dossier de candidature allait de soi.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°662 du 1 novembre 2013, avec le titre suivant : Les comités de sélection, cœur du réacteur de la Fiac et Paris Photo

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