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Success-story

Emmanuel Perrotin : les 25 ans du « french » Gagosian

Par Robert Danielle · L'ŒIL

Le 23 septembre 2013 - 859 mots

PARIS

Incontournable cet automne, le galeriste parisien hyperactif ouvre de nouveaux lieux à Manhattan et à Paris, et fête ses vingt-cinq ans d’activité avec une centaine de ses artistes au Tripostal à Lille.

C'est un véritable festival que s’offre Emmanuel Perrotin pour son quarante-cinquième anniversaire et les 25 ans de sa galerie : un nouvel espace au cœur de Manhattan ouvert depuis le 18 septembre, une exposition anniversaire au Tripostal à Lille à partir du 11 octobre, et une troisième adresse à Paris censée être prête pour la Fiac. Le « trublion de l’art contemporain » donne ainsi toute sa mesure. Notre Gagosian français qui, le premier à Paris, a misé sur des artistes devenus les stars du marché international (Damien Hirst, Takashi Murakami et Maurizio Cattelan), ne fait pas les choses à moitié. À Hongkong, il loue l’un des plus beaux emplacements, avec une vue incroyable sur la mégapole chinoise. À New York, il prend ses quartiers sur Madison Avenue dans l’Upper East Side, entre le Whitney Museum et les galeries Gagosian ou Hauser & Wirth. À Paris, où il détenait déjà 1 500 m2 dans un hôtel particulier de la rue de Turenne, il a acquis quelques centaines de mètres plus loin un autre de ces magnifiques édifices patrimoniaux pour y abriter une nouvelle adresse de 700 m2 avec une cour-jardin afin d’exposer des sculptures ou des installations monumentales. Emmanuel Perrotin était jalousé, la chose ne devrait pas s’arranger…

Un sens affûté du marketing
Rien n’obligeait le « Frenchy » à investir autant. Mais avoir en permanence une longueur d’avance est l’un de ses moteurs. « Je n’étais pas contraint de faire tout cela, j’aurais pu louer des espaces moins chers en banlieue ; mais je veux offrir le meilleur aux artistes comme aux collectionneurs. Je me développe en permanence en anticipant les moyens à venir », confie-t-il. Et ce businessman autodidacte sait que la compétition est féroce. Il a compris que pour recevoir, il faut savoir donner. En prime, il a un flair certain pour dénicher les créateurs dans l’air du temps, en phase avec les préoccupations du moment. Pourtant, cela n’a pas toujours été facile. Un père employé de banque, une mère au foyer, le petit Emmanuel n’a pas grandi dans la soie et la dentelle, mais très tôt il a couru de musées en vernissages. Ayant commencé très jeune dans ce métier, il a pris le temps de se forger une solide expérience. Olivier Kaeppelin, qui dirige aujourd’hui la Fondation Maeght et qui a travaillé à la direction des Arts plastiques du ministère de la Culture, se souvient de ses débuts : « Il dormait dans sa galerie et travaillait énormément. » À présent, Emmanuel Perrotin se félicite d’avoir servi d’exemple. « J’ai été une locomotive dans le quartier, beaucoup de galeries sont venues s’installer autour de moi », se rappelle-t-il.

Affable, audacieux, chanceux aussi, Emmanuel Perrotin a su tisser de solides réseaux, tant dans le monde de la nuit, avec ses amis du Baron, que dans celui des affaires, de François Pinault à Bernard Arnault, en passant par Xavier Niel, le patron de Free. « J’aime fréquenter différents milieux », reconnaît Perrotin, aussi à l’aise avec les célébrités de la mode qu’avec celles du show-business et de la high-tech. Mais être issu de la classe moyenne lui a également donné l’envie de sensibiliser à l’art contemporain « un plus large public, au-delà des spécialistes », explique-t-il. « Je me suis senti une mission car, il y a dix ans encore, je ressentais beaucoup d’hostilité pour cet art qui paraissait réservé aux initiés, difficile à comprendre. » De fait, les expositions de ce galeriste doté d’un sens inné du marketing attirent – selon les chiffres communiqués par la galerie – deux cent cinquante personnes par jour en moyenne, jusqu’à six cents lors d’événements autour de JR, Murakami, Sophie Calle… Le jour des vernissages, pas moins de trois mille amateurs défilent dans sa galerie. Pas étonnant que Didier Fusillier, le champion des grandes fêtes fédératrices comme Lille 2004, ait eu l’idée de faire appel à Emmanuel Perrotin pour une exposition d’envergure au Tripostal.

Isolé des autres galeristes
Si sa popularité ravit ce chouchou des médias, elle l’attriste aussi parfois. « Je souffre que mes pairs continuent à me juger comme un galeriste commercial, alors qu’avec les artistes qui m’ont rapporté le plus, nous avons grandi ensemble : Murakami, j’ai été le premier à le montrer hors du Japon, avec des dessins à 500 dollars. Malheureusement, cette attitude est typiquement française. » La spécificité que revendique ce bosseur éclectique est justement la diversité des artistes qu’il défend. Son souci ? Les faire vivre tous. Et son nouvel espace parisien, où il organisera surtout des expositions collectives, lui servira à cela. « Un collectionneur pourra venir pour un artiste et repartir conquis par un autre », espère-t-il. Cet automne, il y en aura effectivement pour tous les goûts chez Perrotin : Paola Pivi à New York, Sun Yuan, Peng Yu et Claude Rutault à Paris, et une centaine de ses protégés à Lille représentant un concentré de son histoire, de sa vision stratégique, de ses coups de cœur.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°661 du 1 octobre 2013, avec le titre suivant : Emmanuel Perrotin : les 25 ans du « french » Gagosian

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