Delme (57)

La synagogue de Delme

Par Alexis Jakubowicz · L'ŒIL

Le 20 août 2013 - 412 mots

Jadis sur la « route de France », s’élevait au milieu des clochers une synagogue à faire pâlir la pierre de Jérusalem. Au long de ce couloir lorrain arraché à l’Espagne des Habsbourg en 1659, sont remontées au XVIIIe siècle de nombreuses familles juives par les hasards complices de l’histoire et de la géographie.

Certaines ont gagné Metz, de plus petites villes du duché de Lorraine ou des Trois-Évêchés, et d’autres la campagne : Donnelay, Gelucourt, Maizières-lès-Vic et Delme. Rétablis dans leur culte en 1808 par décret de « l’Empereur des Français, Roi d’Italie et Protecteur de la Confédération du Rhin », les juifs de ces villages ont dû longtemps prier dans de simples maisons. Bientôt ils n’y ont plus tenu.

À Delme en 1876, un tiers de la population professe la religion de Moïse. Le miniane – un quorum de dix hommes nécessaire à la récitation des prières les plus importantes – est débordé. Aussi fait-on construire par Otto Saupp une réplique de la grande synagogue orientale de Berlin. Léon Francfort, le ministre officiant, coordonne avec l’architecte de Château-Salins l’édification d’un temple digne de la Terre promise. Heureuse comme Dieu en France, la synagogue de Delme apparaît sur d’antiques cartes postales avec une coupole en forme de bulbe, des fenêtres plein cintre forgées de motifs mauresques, des rosaces, des colonnes et chapiteaux de feuillages byzantins. Il faut imaginer les familles arrivant des venelles et des champs alentour à pied vers cette shul alambiquée pour célébrer le shabbat, les fêtes et les deuils. Les pères, colporteurs ou marchands de bestiaux, gardant leurs fils au rez-de-chaussée ; les mères et leurs filles, gagnant l’étage plus près du ciel. Il faut imaginer pendant les longs offices à jeun du Grand Pardon, les jeunes hommes trompant la faim en cherchant au balcon le regard de jeunes femmes tout aussi languides qu’eux.

Décapitée par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, la synagogue ressurgit en 1946 dans une version morne. Les juifs de Moselle sont morts ou déplacés. Il n’y a plus de miniane dans les campagnes. Le consistoire ferme les portes au culte en 1981 pour les rouvrir à la culture en 1993. Loué pour 99 ans à la mairie de Delme, le monument est à présent un centre d’art contemporain. On peut s’y recueillir ces temps-ci devant Channels, installation métaphysique de Susan Hiller d’où s’élèvent comme d’un mur de monotones lamentations.

Infos pratiques

où : 33, rue Raymond-Poincaré, Delme (57)

comment ? : www.cac- synagoguedelme.org

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°660 du 1 septembre 2013, avec le titre suivant : La synagogue de Delme

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