Giuseppe Penone s’enracine à Versailles

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 24 juin 2013 - 586 mots

«Pour dessiner un arbre, il faut monter avec» , recommandait en son temps Henri Matisse. C’est exactement, sans connaître cette précieuse formule, ce qu’a fait Giuseppe Penone en 1969 en réalisant La sua corteccia analizzata, palpata, seguita, tastata, punto per punto fino all’altezza di novecentosettanta centimetri (Son écorce analysée, palpée, suivie, tâtée, point par point, jusqu’à neuf cent soixante-dix centimètres), œuvre qui figure dans les collections du Frac Picardie.

Ce dessin constitué de quinze planches indissociables, composées chacune de neuf feuillets, fondé sur le principe du frottage, compte parmi quelques-unes des œuvres de jeunesse de l’artiste (né à Garessio, Italie, en 1947) qui signalent d’emblée cette relation quasi existentielle qu’il entretient à la nature. Plus particulièrement à la figure de l’arbre. Invité à exposer au domaine de Versailles cet été, ceux qu’il y a disposés, sur la terrasse, sur le « tapis vert » et dans le Bosquet de l’Étoile invitent le promeneur à l’exercice d’une pareille ascension. D’une rare expérience poétique.

Un art de la présence
Figure majeure de l’Arte povera, Giuseppe Penone s’en est rapidement distingué en développant une œuvre autour des concepts de flux et de croissance, s’appliquant à exploiter les ressources plastiques de toutes sortes de matériaux, qu’ils soient « nobles ou ignobles » (comme en parlaient les futuristes). L’arbre y est chez lui un signe à valeur universelle dont les éléments qui le constituent – racines, tronc, écorce, feuilles et branches – sont le prétexte à mettre en exergue ce qu’il en est des fondamentaux de la vie.
Le bronze, le verre, le marbre, la pierre, le cuir, voire la peau de serpent, etc., Penone n’a pas son pareil pour éprouver tel ou tel matériau à l’ordre d’une situation qui en interroge la nature primordiale. Il en appelle à des pratiques volontiers artisanales pour concevoir des œuvres dont la finalité est un travail tant de révélation des modes d’organisation vitale que de réflexion sur la nature même des processus artistiques.
À Versailles, dans le Bosquet de l’Étoile, Giuseppe Penone a dressé un ensemble d’arbres à pierres qui déterminent comme une sorte de ronde archaïque. Dans le champ clos du site, ceux-ci dressent leur fût vers le ciel en d’impressionnantes figures élémentaires dont les branches taillées portent en leur bifurcation avec le tronc comme d’énormes cailloux. Ces pierres participent à souligner la structure et la masse des arbres, elles nous rappellent la force d’attraction terrestre à laquelle ils sont soumis et comment, en contrepoint, ils sont forts d’une poussée verticale, d’un élan fondamentalement vital. Penone se plaît à décliner ainsi les possibles de la sculpture en jouant d’équilibre, de tension et de dynamique.
Aussi son œuvre est exemplaire de la collusion entre nature et culture dans cette acception où, comme le dit l’artiste lui-même : « Ce qui m’intéresse, c’est quand le travail de l’homme commence à devenir nature. » La démarche de Penone ne relève pas de la mimesis mais de la methexis, c’est-à-dire d’un art de la présence quand s’accomplit une telle osmose.

« Giuseppe Penone à Versailles »

Salles et parc du château, Versailles (78), jusqu’au 30 octobre 2013, www.chateauversailles.fr

« Penone, entre les lignes »

Chapelle du Méjan, Arles (13) jusqu’au 22 septembre 2013, www.lemejan.com 

Biographie

1947 Naissance à Garessio, en Italie.

Années 1960 École des beaux-arts de Turin.

1967 Il prend part au mouvement de l’Arte povera.

1969 Première exposition à la galerie Sperone à Turin.

1999 Installation de L’Arbre des voyelles au jardin des Tuileries à Paris.

2004 Rétrospective au Centre Pompidou.

2013 Exposition « Penone à Versailles ».

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°659 du 1 juillet 2013, avec le titre suivant : Giuseppe Penone s’enracine à Versailles

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque