La part d’ombre du sculpteur Antoine Bourdelle

Les soixante-dix feuilles présentées, confrontées aux poèmes juvéniles de l’artiste, illustrent les premiers pas du sculpteur exposé à la mélancolie du siècle finissant. Le parcours initiatique démarre vers 1880 dans le caveau de l’église Saint-Michel de Bordeaux, où le jeune homme dessine des têtes de momies, pour s’achever dans la cave de la Closerie des Lilas, où Bourdelle expose à la fin de l’année 1889.
Entre ces deux dates, prolongées aux années 1892 et 1893 afin d’illustrer les deux participations du sculpteur au Salon de la Rose-Croix, Bourdelle dévoile son visage symboliste à travers une série de dessins qu’il compose pour illustrer Césette, le roman de Pouvillon. Derrière cet hommage aux Glaneuses de Millet, se profile un goût pour le macabre et l’occulte transmis par ses aînés, Félicien Rops et Odilon Redon.

Monstres, pendus, anges et démons reflètent les tourments du dessinateur débarqué, sans le sou et maladif, dans la capitale hostile, en 1884. L’année suivante meurt Victor Hugo, dont les dessins fantastiques marquèrent profondément ceux du sculpteur. Ceux-ci, exécutés à l’encre de Chine, au graphite ou au fusain – trois techniques noires que seules illuminent les réserves du papier blanc – nous éclairent sur les rêves inquiétants d’un jeune poète avant que celui-ci ne devienne l’Héraklès tout puissant de la sculpture française.