Galerie

Vladimir Velickovic - Mémoires d’atelier

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 20 mars 2013 - 720 mots

C'est tout près de Paris, à Arcueil, derrière la façade étroite d’une ancienne usine construite en 1947, que Vladimir Velickovic a posé ses pinceaux.

L’artiste a fait l’acquisition de ce vaste espace inondé de lumière sous sa voûte en carreaux de verre en 1991, « pendant qu’il était encore possible d’acheter de l’immobilier ». Il connaissait bien le quartier pour y avoir travaillé durant près de deux ans, au mitan des années 1960, dans l’atelier d’un autre peintre rencontré en 1965 à la Galerie du Dragon : Antonio Seguí.

Seguí, l’ami « au cœur gros comme ça », habite toujours Arcueil, à quelques mètres de chez « Vlada », dans l’ancien hôtel particulier bâti au XIXe siècle par Émile Raspail, et aujourd’hui inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Le peintre argentin vient d’ailleurs tout juste de quitter l’atelier de Velickovic où il était passé bavarder, de tout et de rien, de peinture bien sûr, mais aussi des amis, de Gérard Titus-Carmel, ancien pensionnaire lui aussi de Seguí, et de François Arnal, l’autre Arcueillais disparu il y a quelques semaines dans une indifférence triste.

« Je suis un peintre yougoslave »
Né à Belgrade avant guerre, Vladimir Velickovic est l’auteur d’une œuvre sombre, puissamment torturée, peuplée de corbeaux et de lévriers, de têtes coupées et de corps décharnés accrochés à des gibets. Inlassables variations sur un même thème, la guerre qui, depuis qu’il a fui à 6 ans les bombardements de Belgrade, emportant avec lui une scène de pendus, hante l’artiste. Jusqu’à ne plus savoir qui, de la guerre ou de la peinture, a inspiré l’autre…

Velickovic, lui, le sait : « C’est la guerre qui s’est inspirée de mes tableaux. » Manière de rappeler qu’il a peint une série de potences et de terres en feu en 1991, peu avant cette « connerie » de guerre de Yougoslavie. Des potences comme autant de prophéties de ce qui devait se passer et que l’artiste, qui se dit yougoslave, ne comprendra jamais.

En 1961, lorsqu’il « prend le large » loin de sa famille, c’est « pour vivre [lui]-même ». Diplômé d’architecture, « plus Le Corbusier que Wright », Velickovic étudie le dessin par la copie des maîtres anciens, Léonard et Dürer. « Avec eux, j’ai essayé de comprendre », explique-t-il. Il comprend. Comme il comprend qu’il doit quitter Belgrade pour Zagreb, puis Zagreb pour Paris, New York n’étant pas encore ce qu’elle est devenue depuis.

Après Dado, son génial concitoyen, Velickovic s’installe donc en France en 1966 pour une bourse de séjour remportée un an avant avec le prix – « et une bonne cuite » – de la Biennale de Paris. Georges Boudaille lui obtient un rendez-vous à la Galerie du Dragon. Sa carrière est lancée et son séjour s’éternise…

Le récit des murs
Dans la froideur de son atelier, Velickovic raconte, se raconte volontiers : ses dix-sept ans d’enseignement aux Beaux-Arts de Paris – « sans aucun échec au diplôme ! » – , son entrée à l’Académie – « pour [son] pays » –, sa rétrospective en 2011 aux Abattoirs de Toulouse –  « la plus belle » – et celle qu’il n’a pas encore eue dans un grand musée parisien.

Tout autour de lui, l’atelier complète le récit : aux murs, les coupures de presse de bombardements, les reproductions de crucifixions, les brosses ; dans les tiroirs ouverts, une couverture déchirée d’un livre de Muybridge, des Polaroids d’un corps suspendu, des planches d’anatomie ; un peu partout, des crânes et des corbeaux naturalisés. Dans un coin, un combiné-télé attend de retransmettre le prochain match de son compatriote Novak Djokovic, pendant qu’à l’étage la mémoire du peintre s’organise patiemment. Au-dessus d’un évier, Velickovic a scotché des photos de ses fils, de ses petits-enfants et de ses étudiants à côté de ces mots d’Aragon : « Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard ». Notés sur un Post-it, comme pour ne jamais les oublier.

Biographie

1935 Naissance à Belgrade, ex-Yougoslavie.

1956 Première expo.

1983-2000 Enseigne à l’Ensba.

2005 Élection à l’Académie des beaux-arts.

2013 Expositions à Marseille (Galerie Anna-Tschopp, jusqu’au 6 avril) et à Colmar (Espace Malraux, à partir du 28 juin).

En avril, parution de la monographie Vladimir Velickovic, peinture, éditions Samantha Sellem et Gourcuff Gradenigo, 420 p., 450 ill., 95 euros - www.galeriesellem.com

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°656 du 1 avril 2013, avec le titre suivant : Vladimir Velickovic - Mémoires d’atelier

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