Prière d’insérer

Jean Clair, « Temps des avant-gardes »

Les chutes de Jean Clair

L'ŒIL

Le 21 février 2013 - 426 mots

L’ouvrage terminé, que reste-t-il du Temps des avant-gardes de Jean Clair ? Le goût d’un passé qui a mal vieilli, comme un film culte qui, trente ans plus tard, ne parlerait plus.

La quatrième de couverture du livre, qui réunit des chroniques parues entre 1968 et 1978, annonce « son regard distancié sur l’art de notre temps », Jean Clair étant « l’une des plumes les plus acérées de notre époque molle et consensuelle ». Au regard des artistes dont parle l’ancien directeur du Musée Picasso, notre temps a pris un coup de vieux : qui se souvient de Camille Bryen ? Gilles Aillaud est mort et Valerio Adami a disparu de la scène artistique. Quant à Buren, cela fait longtemps que plus personne n’ose vraiment écrire sur son travail de peur du procès. Le choix des chroniques pose parfois des questions. Ainsi de l’entretien avec Nina Kandinsky, la femme du peintre. Il est gênant tant l’aura de Kandinsky y est magnifiée et tant les faits y sont dénaturés. À force de lire les attaques de l’auteur contre les musées, à commencer par le Centre Pompidou naissant – « Quant aux espaces d’exposition prévus dans ce futur Centre, qu’on les convertisse donc en ateliers. Alors verra-t-on les artistes affluer de nouveau à Paris » –, le lecteur est étonné de ne voir que des chroniques sur la chute de Warhol, de Newman, sur les silences d’un Calder déjà rompu aux honneurs, les Biennales, la Documenta… Mais rien sur les énergies nouvelles des années 1970. Certains propos gardent malgré tout, trente-cinq ans plus tard, le même écho : « Pareille aporie – celle où l’œuvre, en se refusant les pouvoirs qui étaient siens de l’ancienne mimêsis, se contraint à devenir le simulacre impuissant de techniques qui lui sont étrangères », « comme si la faiblesse de la peinture d’aujourd’hui, son côté chiche et mal nourri, sa prudence, son avarice – tous défauts qu’elle ne cesse de compenser par l’extraordinaire inflation critique qui accompagne la moindre de ses manifestations ». À sauver aussi : la chronique sur l’affaire Buren au Guggenheim, l’entretien avec Bacon et le point de vue de l’auteur sur Duchamp : « Ce que voulait Duchamp, ce n’était en rien ôter la peinture, la réduire, la détruire, mais au contraire lui redonner ce qu’on lui a enlevé à partir du XIXe siècle, l’intelligence, opérer le retour à la tradition d’une peinture lettrée.» Le volume suivant sera-t-il de la trempe d’un Casablanca ?

Jean Clair, Temps des avant-gardes, Éditions de La Différence, 315 p., 25 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°655 du 1 mars 2013, avec le titre suivant : Jean Clair, « Temps des avant-gardes »

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