Éric Taladoire, « Les trois codex mayas »

« La fin du monde maya ne repose sur rien ! »

Par Virginie Duchesne · L'ŒIL

Le 9 novembre 2012 - 774 mots

Le calendrier Maya a donné lieu à des théories apocalyptiques selon lesquelles la fin du monde serait programmée pour la fin décembre. Des théories fantaisistes démontées par l’archéologie qui s’appuie sur le système du compte du temps maya pour parler, au contraire, de cycles.

Virginie Duchesne : Sur quoi reposent les théories de fin du monde qui s’appuient sur le calendrier maya ?
Eric Taladoire : Sur rien ! Les Mayas ont une pensée chronologique cyclique, similaire à la nôtre. Leur système comporte des cycles de 260 jours, de 365 jours, de 20 jours, etc. comme nos mois de 28 à 31 jours et nos années de 365 jours. Chronologiquement, ils comptent en jours écoulés depuis une date d’origine [3 114 av. J.-C.]. À la fin d’un cycle, le suivant s’enclenche. Ce changement est certes un moment délicat et, dans une perspective astrologique, certaines prédictions prévoient que telle fin de cycle sera difficile car liée à la mort d’un dirigeant ou à une mauvaise récolte… Concernant les théories de fin du monde, le cycle de 13 baktun [144 000 jours écoulés] mentionné seulement sur deux sites mayas se termine effectivement le 20, 21 ou 22 décembre 2012 de notre calendrier grégorien. Mais il donne naissance à un autre cycle.

V.D. : La découverte en mai dernier d’une chambre d’un scribe aux murs recouverts de glyphes à Xultún (dans la région du Petén au Guatemala) apporte-t-elle des éléments nouveaux à la connaissance du calendrier maya ?
E.T. : Elle confirme d’abord l’utilisation d’autres supports d’écriture et de calcul avant les codex de papier, comme ici sur les murs recouverts de chaux. Les calculs découverts sont aussi intéressants car ils se réfèrent à des chronologies moins courantes. Le scribe mentionnerait le baktun 17 et non le baktun 13. Ce qui reporte d’autant la fin du cycle actuel qui n’a plus lieu autour du 20 décembre 2012.

V.D. : Le compte du temps aztèque est similaire à celui des Mayas. Pourquoi les théories apocalyptiques se fondent-elles plus particulièrement sur ce dernier ?
E.T. : Les Mayas ont développé à l’extrême ce système en inventant le « compte long », jusqu’au 13e baktun qui correspond en l’occurrence à 2012. Ceci n’intéressait pas les Aztèques qui se référaient à la durée d’une vie humaine et donc à des cycles de 52 ans. Cette fascination pour les Mayas, en France en particulier, vient de leur écriture même s’ils ne l’ont pas inventée. Si le nahuatl [langue parlée notamment par les Aztèques, ndlr], encore parfaitement parlé au Mexique, est facilement traduisible, la langue maya est difficile à déchiffrer, à interpréter et impossible à prononcer. Il y a donc cette part de mystère persistant.

V.D. : Les trois codex mayas réunis dans l’ouvrage que vous publiez aux éditions Balland sont-il les seuls supports papier de notre connaissance du compte du temps maya ?
E.T. : Les codex mayas, dont on ignore le nombre exact, nous sont seulement parvenus au nombre de trois : le codex de Madrid, le codex de Paris et le codex de Dresde. On sait que les évangélisateurs espagnols en ont brûlé une certaine quantité. Les archéologues retrouvent des codex dans des sépultures. Ceux-ci sont pieusement conservés en attendant de nouvelles techniques pour les étudier. Puis nous conservons des Chilam-Balam, des manuscrits de prédictions en caractères latins dont le contenu est similaire aux codex. La conquête espagnole s’est en effet accompagnée de la transcription des textes mayas en alphabet latin, maîtrisé très rapidement par les scribes.

V.D. : Outre des comptes du temps, que contiennent ces codex mayas et ces manuscrits ?
E.T. : Ils contiennent tous essentiellement des calculs du temps car il est impératif de comprendre le passé pour pouvoir connaître le futur. Mais il est évident que plus les déchiffrements avancent, plus on découvre d’autres types d’écrits comme le nom du propriétaire sur un récipient, la description d’un marché… Parmi la dizaine de Chilam-Balam retrouvés, certains contiennent des pièces de théâtre, des poésies, des récits historiques, des registres d’impôts et des cartes.

V.D. : Est-il encore possible de retrouver d’autres codex ?
E.T. : On en retrouve très ponctuellement. Il est tout à fait possible que certains dorment encore dans les bibliothèques européennes vu le nombre de manuscrits qui furent rapportés sur le continent. Par ailleurs, au Mexique, des documents de l’époque de la conquête sont certainement encore conservés dans les archives villageoises comme ces six manuscrits d’un petit village du Guerrero sortis sur le marché de l’art il y a une quarantaine d’années. Mais cela ne représentera jamais des centaines de manuscrits et de codex.

Éric Taladoire, Les trois codex mayas, Éditions Balland, 240 p., 42 €.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°652 du 1 décembre 2012, avec le titre suivant : Éric Taladoire, « Les trois codex mayas »

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