La voix photographique de Corinne Mercadier

Cette rétrospective, non chronologique et non exhaustive, présentée en parallèle d’une exposition à la Galerie Les Filles du Calvaire, réunit plusieurs séries anciennes de la plasticienne, Une fois et pas plus, Longue Distance, La Suite d’Arles, et de toutes nouvelles productions, telles que Solo ou Black Screen, dans lesquelles elle utilise les outils numériques pour la première fois, ce qui induit des changements tant esthétiques que factuels, notamment des modifications concernant les dispositifs de prises de vue.

S’il y a une rupture radicale dans l’œuvre de Corinne Mercadier, elle se fait avec l’arrêt de la fabrication de la pellicule Polaroid SX70 en 2008, qui la conduit à une image numérique encore plus lisse et froide. Autre changement : si l’on retrouve dans ses deux dernières séries les caractéristiques de son écriture elliptique (les ciels sombres, les personnages énigmatiques, les objets lancés), des détails sont modifiés. Dans des décors toujours épurés, les objets présents à l’image ne sont plus des livres ouverts ou des textiles flottants, mais désormais des ballons, baguettes, pneus et lignes qui délimitent des espaces, évoquant un jeu dont les règles nous échappent.

Hormis ces légers déplacements, est toujours à l’œuvre ici une étrangeté silencieuse propre à cette artiste imagière. Oscillant constamment entre théâtralité et danse, ombre et lumière, absence et présence, on se laisse envoûter par des silhouettes perdues qui soliloquent dans le vide, comme égarées à jamais dans une toile signée Hopper ou un film d’Antonioni.