À Dijon, un Rude limpide

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 8 novembre 2012 - 304 mots

Exposer une sculpture, la sculpture, n’est pas chose aisée. C’est que le médium est, par nature, complexe. Physiquement, d’abord : la tridimensionnalité s’accommode mal des cimaises. Techniquement, ensuite : la pluralité des intervenants mérite souvent explication. Historiquement, enfin : l’aspect multiple et posthume de certains originaux heurte encore la réception euclidienne.

Partagée entre le Musée des beaux-arts, qui en accueille la part la plus saillante, le musée éponyme et la Nef, l’exposition que la ville de Dijon réserve à ses compatriotes François et Sophie Rude tranche par sa finesse et sa rigueur. Implacable et impeccable.

Symbole et nature
François Rude (1784-1855) est un artiste aussi prodigieux que méconnu. Une étrangeté historiographique dont souffre – injustice moins dommageable – la peinture de son épouse (1797-1867). Admirablement mise en scène par Hubert Le Gall, didactique et aérée, l’exposition se déploie chronologiquement et ménage des séquences thématiques efficientes – consacrées ici aux portraits de David (1826-1838), là aux avatars de La Marseillaise (1833-1836) dans la sculpture européenne.

Étayé par de délicieux dessins, l’ensemble dédié à la vie d’Achille (1823) est certes constitué de surmoulages, il n’en demeure pas moins une courroie nécessaire à la mécanique intellectuelle qui préside le propos : le romantisme de Rude est mâtiné de nombreuses solutions exogènes, notamment néoclassiques (Pêcheur napolitain, 1831-1833). Des fontes posthumes et des marbres achevés après la mort de Rude écorcheront les thuriféraires de la main autographe, les évangélistes de l’œuvre « du vivant de l’artiste ». Or, ces sculptures, jamais apocryphes et toujours originales, viennent éclairer la déroutante subtilité d’une technique que le Dijonnais sut porter à son comble. Ainsi le Gisant de Godefroy de Cavaignac (1847) qui voit le sculpteur s’inspirer de Germain Pilon et d’un masque mortuaire, faisant de ce chef-d’œuvre le fruit adultérin du symbole et de la nature, de l’art et du réel. À méditer.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°652 du 1 décembre 2012, avec le titre suivant : À Dijon, un Rude limpide

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