Les Campana - Bêtes de design

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 7 novembre 2012 - 604 mots

Humberto et Fernando Campana sont désormais comme des poissons dans l’eau à Paris. Les deux designers brésiliens savent dans quel hôtel descendre : le Lutetia, en plein cœur de Saint-Germain, dans lequel ils ont inauguré, en septembre, la suite Humberto & Fernando. Où prendre un verre : au Café des Hauteurs du Musée d’Orsay, entièrement réaménagé par le tandem fin 2011 et qui, depuis, a officiellement pris le nom de… Café Campana. Enfin, quel musée visiter : celui des arts décoratifs, au sein duquel ils ont déployé une exposition intitulée « Barroco Rococó », sélection de leurs derniers travaux réalisés avec des artisans italiens.

Bref, les Campana apprécient la France et celle-ci le leur rend bien. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le Comité Colbert – association regroupant soixante-quinze maisons de luxe françaises et treize institutions culturelles –, qui a choisi cette année le Brésil comme axe de développement et cherchait une personnalité fédératrice, a illico plébiscité les deux frères, leur décernant pour l’occasion le prix Colbert Création & Patrimoine 2012. Cette distinction, créée « pour contribuer au respect de la diversité culturelle et à son inscription dans le développement économique », leur a été remise le 11 septembre par le ministre des Affaires étrangères en personne, Laurent Fabius.

Deux vocations contrariées en faveur du design Humberto Campana, 59 ans, et Fernando Campana, 51 ans, sont les designers brésiliens les plus connus de la planète. Ni l’un ni l’autre pourtant ne se voyaient « entrer en design ». Élevés à la campagne, à quelque 250 km de São Paulo, par un père agronome et une mère professeur des écoles, ils s’amusent, enfants, à métamorphoser les outils agricoles et découvrent l’artisanat rural et la richesse des matériaux pauvres ou banals. Fernando rêve d’être astronaute et Humberto, un Indien, un vrai. Le premier deviendra architecte, le second avocat. Or, en 1983, lorsque l’aîné décide d’abandonner le droit pour se lancer dans la… sculpture, il entraîne dans son sillage le cadet.

Tous deux œuvrent depuis de concert, à São Paulo, dans un ancien garage du quartier de Santa Cecilia reconverti en vaste studio-atelier. Leur originalité : avoir transposé cette philosophie du détournement des objets et des matériaux chère aux habitants des favelas dans le monde du design et de l’industrie.

« Nous détournons l’utilité des matériaux afin de créer dans nos objets un monde toujours changeant d’expérimentation, de créativité et d’innovation », expliquent-ils. Entre récup’ et recyclage, exubérance et tropicalisme, Humberto et Fernando Campana aiment à jouer des contrastes, frottent le chic au pauvre, le lisse au rugueux, l’artisanal à l’industriel.

Leur production est un bestiaire des plus animés : le siège Vermelha et ses 400 m de corde entrelacée, le fauteuil Anémone et ses tuyaux d’arrosage tressés, le pouf Sushi et ses chutes de textiles de différentes tailles et épaisseurs, le fauteuil Corallo et ses entrelacs de fil métallique couleur corail… jusqu’à ces pièces très récentes et très luxueuses, aujourd’hui exposées : des lampes, des chandeliers, des tables et autres sièges en bronze ou en marbre de Carrare, qui mixent dans le tamis de leur imagination foisonnante des hordes de crocodiles et des éléments décoratifs des XVIIe et XVIIIe siècles. Ce que le duo appelle avec humour : « De l’archéologie recomposée. »

Biographie

1953 et 1961 Naissances de Humberto et Fernando Campana au Brésil.

1983 Avocat et architecte, les deux frères s’associent et ouvrent un atelier de création de design à São Paulo.

1991 Création de la chaise Favela avec des morceaux de bois récupérés.

2010-2011 Réaménagement intérieur du Café de l’Horloge au Musée d’Orsay.

2012 Le duo reçoit le prix Colbert Création & Patrimoine.

Les frères Campana, « Barroco Rococó »

Jusqu’au 24 février 2013, au Musée des arts décoratifs, 107, rue de Rivoli, Paris-1er, www.lesartsdecoratifs.fr

Voir la fiche de l'exposition : Les Frères Campana : Barroco Rococó

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°652 du 1 décembre 2012, avec le titre suivant : Les Campana - Bêtes de design

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