Le mémento de Graham

Son appareil posé sur un siège ou par terre, l’autodidacte de formation qu’il est entame le récit du quotidien de ces salles, guichets et box peuplés d’hommes et de femmes aux corps et visages las, rongés. Pendant deux ans, il poursuivra ailleurs, dans d’autres antennes du pays, son immersion auprès des laissés-pour-compte. Avec une économie d’effets et une épure marquées à la fois par les coloristes américains et les pionniers de la New Topography, Paul Graham dresse dans Beyond Caring un commentaire critique sans appel de la politique de Margaret Thatcher porté par une approche documentaire novatrice.

Près de vingt-cinq ans plus tard, son immersion dans les rues frénétiques de New York (où il vit depuis 2002) donne naissance à The Present, dernier volet de la trilogie américaine initiée avec American Night, où d’une scène de rue à l’autre, confronté à son double immédiat sous forme de diptyque ou de triptyque, transparaissent un éloge de l’ordinaire et un hymne à la vibration new-yorkaise.

En choisissant de montrer uniquement ces deux séries, avec en incise la présentation des principaux livres conçus par Paul Graham depuis l’autoédition de Beyond Caring, le Bal – après la rétrospective que lui ont consacrée la Whitechapel Gallery à Londres et le Museum Folkwang à Essen – donne à voir la construction et l’évolution d’un langage photographique qui a toujours cherché, à travers le vécu et le présent, à dépasser les stéréotypes en apportant à chaque histoire un langage documentaire propre et une réflexion profonde sur ces instants anodins du quotidien. Un grand moment à poursuivre dans la librairie du Bal pour prendre la mesure du parti pris aussi mené par l’auteur à chaque édition de ses ouvrages publiés depuis quelques années chez MACK.