Fiac 2012

Ils sont la Fiac des contemporains

Par Vincent Delaury · L'ŒIL

Le 8 octobre 2012 - 2493 mots

Ils font parti des « poids lourds » de l’art contemporain. Ils sont exposés par les plus grands musées dans le monde entier, sont soutenus par les plus importantes galeries et font en grande majorité la « couleur » de la Fiac.

Piero Gilardi, né en 1942, Italie
Partagé entre l’art et la vie, comme il a intitulé l’un de ses textes manifestes, l’artiste et théoricien italien Piero Gilardi s’est notamment fait connaître dès 1965 avec ses Tapis nature en mousse de polyuréthane. Proche de l’Arte povera comme du Land Art, son œuvre, qu’excède l’usage de matériaux synthétiques aux couleurs saturées, balance entre le ludique, le dérisoire et le critique. Quelque chose d’une accentuation faussement naturaliste y est en jeu qui lui confère une force expressive inédite.
Galerie Semiose (stand 1.F19)

Alan Suicide Vega, né en 1938, États-Unis
Si quelque chose d’électrique est à l’œuvre dans le travail d’Alan Suicide Vega, ce n’est pas seulement du fait que ses sculptures sont constituées à base de néons, mais parce qu’il est tout en même temps chanteur de rock et artiste plasticien. Entre groupe de musique façon Velvet Underground, pop art et art minimal, ses installations, où lumières, fils, câbles, lampes, dessins et photos accaparent l’espace du sol au plafond, ouvrent sur un monde à part, coloré, radieux et envoûtant.
Galerie Laurent Godin (stand 0.A07)

Lara Favaretto, née en 1973, Italie
L’artiste italienne met le paquet pour sa participation à la Fiac avec sa galerie turinoise. Elle a conçu une installation inédite secrète. On sait seulement qu’elle s’inspire d’une de ses œuvres créées pour le PS1 de New York cet été, Gummo, parade ludo-agressive de brosses de stations de lavage. Déclenchés à intervalles réguliers, les cylindres poilus ont fini par attaquer sérieusement le mur, une parabole qui n’est pas pour déplaire à cette spécialiste de la ruine et de la mise en échec.
Galerie Franco Noero (stand 1.J14)

Pierre Leguillon, né en 1969, France
Brillante série que celle découverte à la Biennale de Rennes à la rentrée, dont certains spécimens sont judicieusement proposés par la galerie bruxelloise. Pierre Leguillon s’est adonné à la pratique du frottage sur les couvertures d’ouvrages de la bibliothèque Prelinger de San Francisco. Les apparitions fantomatiques de titres en grisaille posent la question de l’obsolescence du savoir, du rapport à l’Histoire et au livre à l’ère de la dématérialisation et du flux continu de l’information. Une magnifique parabole sur fond de panneaux en tissu qui sondent, quant à eux, l’histoire du design et du goût.
Galerie Motive (secteur Lafayette)

Tadashi Kawamata, né en 1953, Japon
Kamel Mennour détourne le code blanc et rectiligne des stands de foire en confiant son emplacement au maître nippon Tadashi Kawamata. Demi-dôme réalisé par l’assemblage d’anciennes fenêtres haussmanniennes blanches jetées au rebut et glanées dans les Emmaüs de la région, Windows Installation offre un arc de triomphe mélancolique au collectionneur qui doit emprunter ce passage pour entrer dans l’espace de la galerie. Kawamata brasse ses codes et ses outils préférés pour un exercice de style à la fois péremptoire et tout en retenue, sa signature.
Galerie Kamel Mennour (stand 0.B26)

Jeremy Deller, né en 1966, Royaume-Uni
On connaît les châteaux gonflables qui « neutralisent » les enfants pendant les courses du samedi. Jeremy Deller poursuit son analyse des emblèmes de l’identité britannique en réalisant un « sacrilège » : un Stonehenge gonflable. Sa sculpture publique propose « une interaction avec l’archéologie et la culture au sens large », disait-il lors de sa première sortie à Glasgow au printemps dernier. La notion de monument national est ici sondée par la pratique du divertissement de foire. Façon de pointer l’instrumentalisation de ces lieux historiques ?
Galerie art:concept (esplanade des Invalides)

Yto Barrada, née en 1971, France
Polymorphe, l’œuvre d’Yto Barrada, d’origine marocaine, s’inscrit en résistance des clichés imposés par le monde occidental d’une perception idéalisée de la société et des mécanismes qui la gouvernent. Son territoire, c’est l’envers du décor. Photos, vidéos, installations, etc., l’artiste nous offre à le découvrir sous les formes les plus variées et les plus radicales. Aussi sa démarche fait-elle œuvre de salubrité sémantique, plastique et politique.
Galerie Polaris (stand 1.H06), galerieofmarseille (stand 1.H06) et galerie Sfeir-Semler (stand 0.C08)


Gary Hill, né en 1951, États-Unis
né en 1953, AlgériePartagé en deux, le stand de la galerie In Situ invite à plonger dans les ténèbres d’une installation de Gary Hill, Reflex Chamber, une véritable expérience physique. Des images projetées sur une table quasi scientifique révélant le visiteur en observateur attentif, tiraillé par des éclairs stroboscopiques et assailli de mots et de notes d’accordéon. Chaque jour, la galerie change l’exposition en contrepoint à cette épreuve visuelle et sonore. Pour commencer, Khalil Joreige et Joana Hadjithomas accompagnent Ni Haifeng.
Galerie In Situ (stand 0.B31)

Jean-Michel Alberola, né en 1953, Algérie
De grands aplats colorés sur lesquels il inscrit tout un monde de figures, de signes et de mots : les wall paintings de Jean-Michel Alberola se drapent volontiers dans le mystère de leur énoncé, s’offrant à voir comme autant de rébus. L’une d’entre elles, au titre d’Extension de l’idée fixe, devient le noyau central dynamique d’un ensemble constitué d’œuvres d’autres artistes de la galerie autour des notions de hors champ et de déséquilibre. Une singulière façon de trafic du sens dans et en dehors de l’œuvre.
Galerie Catherine Issert (stand 0.A01), Galerie Florence Loewy (stand 1.F21), Galerie Daniel Templon (stand 0.C17)

herman de vries, né en 1931, Pays-Bas
Quoique de belle stature, il a l’humilité d’un brin d’herbe et réclame que l’on écrive son nom sans majuscules. herman de vries, donc, n’a qu’une seule et unique préoccupation : établir la plus parfaite égalité entre nature, vie et art. À cette fin, l’ancien naturaliste qu’il est proclame la nécessité de vivre la nature en tant qu’unité, dans un rapport immédiat et actuel. Au Jardin des plantes, son intervention consiste à donner une voix à un Sophora japonica dont il entoure le tronc d’une banderole frappée en lettres d’or des deux mots « I am ». Ils renvoient ainsi le spectateur à sa propre existence ainsi qu’à celle de l’arbre dans une osmose poétique et existentielle.
Galerie Aline Vidal (Jardin des plantes)

Florian Maier-Aichen, né en 1973, Allemagne
Une vue aérienne, noir et blanc, comme ancienne, presque piquée. Seul le format révèle une certaine contemporanéité. Il faudra un peu de patience pour percer le mystère de cette image faussement familière, rehaussée comme aux temps primitifs de la photographie où la rectification à la main était de mise. L’image a déjà séduit la collection Burger à Hong Kong et témoigne d’une nouvelle étape passionnante chez ce photographe allemand qu’on a trop peu vu en France.
Galerie Baronian (stand 0.C41)

Bertrand Lavier, né en 1949, France
Alors que le Centre Pompidou lui consacre une grande exposition monographique [lire p. 95], Yvon Lambert propose judicieusement une peinture du maître, un panneau de signalisation d’hôpital repeint « à la touche Van Gogh ». Quand le principe citationnel (hommage cynique au postimpressionnisme) se greffe au dérèglement du ready-made par la peinture (taclant l’hégémonie péremptoire de Duchamp et sa détestation de la peinture), cette œuvre synthétise le meilleur de Bertrand Lavier.
Galerie Yvon Lambert (stand 0.B20)

Michel Blazy, né en 1966, France
Entre wall painting, jardin potager expérimental et sculptures organiques, l’art de Michel Blazy est requis par le vivant, le mutant et le périssable. Réflexion sur le temps et le transitoire, tout à la fois ludique et critique. Dans la suite de celle qu’il a imaginée pour les jardins de Chaumont-sur-Loire, l’œuvre qu’il présente à la Fiac, faite de balais-brosses, est une invitation à déambuler et à… tourner autour du pot. Vivante et sensorielle, elle oblige le visiteur à remettre en question son appréhension sensible de l’espace.
Galerie art:concept (stand 1.J12)

Jaume Plensa, né en 1955, Espagne
Depuis quelques années, la sculpture du Barcelonais Jaume Plensa se fait nomade et peuple désormais les places des villes du monde entier. Pour le parcours « Hors les murs » de la Fiac 2012, l’artiste dépose sur la place Vendôme, en collaboration avec la galerie Lelong et le Comité Vendôme, une sculpture monumentale, de plus de six mètres de haut, Istanbul Blues. Ce personnage-
silhouette, constitué de notes de musique d’acier peintes en blanc, devient le témoin silencieux de l’activité urbaine parisienne. Il vient aussi dialoguer avec deux autres sculptures de l’artiste, en pierre et en dentelle de lettres blanches, très représentatives de son travail.
Galerie Lelong (place Vendôme)

Takis, né en 1925, Grèce
En consacrant à Takis un solo show, la Galerie Xippas vise à mettre en exergue l’un des artistes contemporains les plus prospectifs qui soient. Sa façon d’explorer et d’utiliser les énergies immatérielles dans le champ des arts plastiques, et de la sculpture en particulier, lui confère une autorité sans pareil. Magnétisme, mouvement, son, lumière ont été mis en jeu dans son œuvre au subtil bénéfice d’une investigation sensible, sensorielle et ludique qui le dispute à tout un travail de recherche scientifique très avancé. Le Grand Mur magnétique de 1972 autour duquel s’agrège tout un lot d’œuvres historiques témoigne de l’importance d’une démarche qui a bousculé plus d’un canon.
Galerie Xippas (stand 0.C32)

Mac Adams, né en 1943, Royaume-Uni
L’économie de moyens mise en œuvre par Mac Adams dans son travail pour suggérer une petite narration est inversement proportionnelle à l’effet dramatique qu’il obtient. Depuis 1970, cet artiste multiplie les cas de figure : photos et installations, comme The Bathroom (1978), sont de purs chefs-d’œuvre. Les éléments – décors, accessoires, photos, traces – nous font penser qu’ils ont été le théâtre de scènes violentes.
Galerie gb agency (stand 1.K14), Galerie Elizabeth Dee (stand 1.J01)

Matt Mullican, né en 1951, États-Unis
Hypnose et écriture automatique sont les vecteurs par lesquels Matt Mullican élabore depuis 1973 au cours de performances tout un langage graphique de diagrammes, de signes et d’images. Ceux-ci prennent forme par la suite dans toute une production singulière de panneaux colorés et d’installations aux allures de mystérieux systèmes codés.
Auditorium du Musée du Louvre, performance vendredi 19 octobre 2012 à 19 h.

Kelley Walker, né en 1969, États-Unis
Originaire de Géorgie, la quarantaine entamée, Kelley Walker développe depuis 2011 tout un travail de sérigraphies grand format qu’il réalise à partir d’une collection de publicités pour Volkswagen, réalisées aux États-Unis. Utilisant un logiciel qu’il force à fabriquer une image en 3D en pliant, roulant ou retournant le fichier initial, il crée des œuvres inédites à mi-chemin entre compositions abstraites et photomontages.
Galerie Catherine Bastide (stand 1.K15), Galerie Paula Cooper (stand 0.B18), Galerie Capitain Petzel (stand 0.A12)

Annette Messager, née en 1943, France
Alors qu’elle est exposée au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, on a toujours plaisir à se faire prendre dans les filets d’Annette Messager. Chaos fait écho à la franchise de cette artiste majeure, comme une piqûre de rappel de la réalité qui environne la Fiac. Tout le vocabulaire de la Messager est là : filet, écriture bouclée, affirmation forte et fragile, ce paradoxe qui fait toute la puissance de son œuvre.
Galerie Marian Goodman (stand 0.B29)

Claude Viallat, né en 1936, France
Le vétéran Claude Viallat est à l’honneur sur le stand du galeriste Bernard Ceysson, ardent défenseur des artistes Supports/Surfaces. On retrouve ici, dans des teintes colorées séduisantes, le fameux rectangle souple, ou osselet, que le plasticien répète à l’infini sur tous genres de supports afin de proposer une peinture des plus vivantes, parce que fonctionnant par « super-position, éclatement, empilement, capillarité, solarisation… ». Les prix vont de 5 000 à 200 000 euros pour une œuvre historique importante des années 1960.
Galerie Bernard Ceysson (stand 0.A46)

Tatiana Trouvé, née en 1968, France
C’est sur un stand particulièrement porté sur le rébus visuel, depuis les assemblages elliptiques d’Helen Martin jusqu’à une palette délicatement courbée par Alicja Kwade, que l’on retrouve Tatiana Trouvé avec une œuvre déconcertante alliant tube de cuivre, faux coussin en bronze et coulure étrange. L’univers codé et minimal de cette artiste est instillé avec réticence, mais infuse le mystère dans tout ce qui l’entoure. C’est la force de ses sculptures hautement évocatrices, toujours sombres et implicitement dramatiques. Du grand Trouvé.
Galerie Johann König (stand 1.J06)

Erik Dietman, 1937-2002, Suède
Dix ans se sont écoulés depuis la disparition d’Erik Dietman. Pour célébrer cet anniversaire à la hauteur de la truculence, de l’inventivité et de la générosité du personnage, Claudine Papillon a eu la bonne idée de convier tous ses copains et d’autres artistes de la galerie. Une heureuse façon de dire sa présence parce que son œuvre demeure d’une incroyable actualité. Normal, Dietman était la vie même et il la croquait à pleines dents : il suffit de voir le portrait qu’il a fait de Jean-Olivier Hucleux pour le mesurer. Tout à la fois inquiétant et stupéfait, drolatique et illuminé, étrange et familier, dans tous les cas bon vivant.
Galerie Claudine Papillon (stand 0.C43)

Takashi Murakami, né en 1962, Japon
L’artiste-star Takashi Murakami, adepte d’un « nouveau japonisme » se démarquant de l’art occidental, dévoile sur
le stand de la galerie Perrotin une pièce inédite de plus de deux mètres de haut, spécialement conçue pour la Fiac, Big Box PKo². Cette sculpture-pliage, en fibre de carbone, représente une gamine géante au large sourire et aux grands yeux façon manga. Avec cette pièce épurée faite de lignes brisées, on retrouve les caractéristiques qui ont fait la fortune de l’artiste, à savoir les couleurs acidulées, la figure à grosse tête et les références à des personnages qui évoquent les mangas.
Galerie Perrotin (stand 0.B36)

Sarkis, né en 1938, Turquie
« Les arts visuels, c’est le silence. On parle avec nos yeux. » Fidèle à ses habitudes, Sarkis, né en 1938 à Istanbul, crée sur le stand de la galerie Obadia une « dramaturgie » qui vise à susciter chez le visiteur une osmose avec le personnage, la scène et l’espace environnant. Occupant la place centrale de l’espace d’exposition, la pièce inédite La Scène en or et la marionnette (2012) fait d’un objet emprunté – une marionnette birmane – le protagoniste actif de l’installation. Celle-ci, éclairée par un spot directionnel, nous raconte des histoires concernant aussi bien la mythologie personnelle de l’artiste que la mémoire collective.
Galerie Nathalie Obadia (stand 0.A02)

Alan Uglow, 1941-2011, Royaume-Uni
Le galeriste new-yorkais David Zwirner choisit de rendre hommage sur son stand au peintre abstrait anglais Alan Uglow, mort à 69 ans en janvier 2011 à Manhattan où il vivait. Ce « peintre pour peintres », connu jusqu’à présent des seuls initiés, gagne à avoir une visibilité plus grande : ses compositions géométriques, en même temps qu’elles renvoient au Less is more des minimalistes américains, rappellent le questionnement même sur la peinture, pratiqué par le groupe français Supports/Surfaces. Nous sont présentées sur le stand quatre acryliques sur papier ou coton, qui mettent en relief la question du cadre en peinture et la plénitude du vide.
Galerie David Zwirner (stand 0.B30) 

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°651 du 1 novembre 2012, avec le titre suivant : Ils sont la Fiac des contemporains

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