Art moderne

Hopper l’européen

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 6 août 2012 - 487 mots

À travers ses compositions et ses sujets américains, le peintre s’est souvenu toute sa vie de ses voyages en Europe où il était venu voir les maîtres du Vieux Continent.

Reprenant à son compte le principe du « Grand Tour », Edward Hopper décide à la fin de ses études, en 1906, de voyager en Europe à la rencontre des grands chefs-d’œuvre de l’art. À peine arrivé à Paris, où il se rend en octobre et où il demeure jusqu’au mois d’août 1907, visitant entre-temps l’Angleterre, la Hollande, l’Allemagne et la Belgique, il file au Salon d’automne qui consacre une rétrospective à Courbet et présente un important ensemble de Cézanne. S’il est fasciné par la « puissante mécanique » du premier et son sens du réalisme, il ne cache pas n’avoir guère apprécié le second, qui manque de substance à son goût.

La lumière de Rembrandt et les cadrages de Degas
En revanche, ce qu’il peut voir du travail des impressionnistes l’entraîne à l’usage d’une touche beaucoup plus souple, plus rapide et davantage fragmentée. Ses tableaux du Pont du Carrousel de 1907 offrent à voir aussi une palette dont les tons clairs disent sa dette à l’égard de ce mouvement. À Paris, qu’il adore et où il séjournera à nouveau en 1909 et 1910, c’est surtout Degas qui retient son attention. Il aime tout particulièrement ses cadrages et la construction visuelle de ses images qui perturbe le regard du spectateur, ainsi de Soir bleu (1914) dont un pilier partage brutalement le champ iconique en deux.
Si, à Paris encore, Hopper se montre fasciné par La Dentellière de Vermeer, à laquelle sa Jeune Fille à la machine à coudre (1921) est évidemment redevable, en Hollande, il l’est encore plus par la découverte des Rembrandt, qu’il s’agisse de peinture ou de gravure. À ce maître absolu de la lumière, il doit tant sa science des contre-jours et des éclairages rasants ou qui viennent du fond du tableau, comme dans Night Windows (1928), que la maîtrise du trait dans la technique de l’eau-forte, comme l’atteste cette magnifique planche intitulée East Side Interior (1922) ou bien encore Night in the Park (1921). À l’égal de son aîné, Hopper y joue magistralement du contrepoint entre les noirs et les blancs.

Parmi ces influences qui ont marqué l’époque de formation du jeune Américain, il conviendrait encore de relever celle de Piero della Francesca dont il admirait Le Baptême du Christ à la National Gallery de Londres. Le modèle de composition de l’Italien, qui repose sur de simples formes géométriques à base d’éléments architecturaux mettant en valeur les verticales, horizontales et diagonales et des grands à-plats de couleur, inspire la plupart de ses tableaux des années 1930-1940, tel Hotel Room (1931). Comme il en est aussi des Vélasquez, voire des Goya, vus à Madrid et à Tolède, tant il est vérifié que l’art d’Edward Hopper s’est définitivement constitué à l’aune de la peinture européenne.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°649 du 1 septembre 2012, avec le titre suivant : Hopper l’européen

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