Société

São Paulo - Capitale Culturelle

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 26 avril 2012 - 1430 mots

SÃO PAULO / BRÉSIL

São Paulo, Saint-Paul en français, capitale culturelle du Brésil, possède tous les atouts pour s’imposer face à sa rivale Rio de Janeiro. Parmi eux, son patrimoine architectural.

C'est la plus grande ville du Brésil, avec plus de 11 millions d’habitants – 19 en comptant la périphérie – et pourtant, elle se fait souvent voler la vedette par son éternelle rivale du littoral, Rio de Janeiro. La belle carioca ayant décroché coup sur coup la Coupe du monde de football de 2014 et les Jeux olympiques de 2016, São Paulo, elle, a illico posé sa candidature pour l’Exposition universelle de 2020 et y croit dur comme fer. Ce ne sont pas les atouts qui lui manquent.
Capitale culturelle du Brésil – la ville regorge de musées et de centres d’art –, « Sampa », comme l’appellent affectueusement ses habitants, en est aussi le cœur économique, réalisant à elle seule près de 15 % du PIB national et affichant un budget 2012 de près de 16,5 milliards d’euros (38,7 milliards de reals brésiliens), soit le double de celui de la ville de… Paris (7,9 milliards d’euros).

Entre gratte-ciel et bizarreries architecturales
São Paulo est une mégapole tentaculaire et son urbanisme se révèle des plus débridés. Dans Tristes Tropiques déjà, Claude Lévi-Strauss qui, entre 1935 et 1938, a enseigné la sociologie à l’université de São Paulo, décrivait la ville ainsi : « Ces immeubles en bataille évoquent de grands troupeaux de mammifères réunis le soir autour d’un point d’eau, pour quelques instants hésitants et immobiles ; condamnés, par un besoin plus pressant que la crainte, à mêler temporairement leurs espèces antagonistes. » Rien n’a changé, bien au contraire. Le « troupeau hybride » – dixit Lévi-Strauss – s’est même considérablement étoffé. Plus de 2 500 gratte-ciel aiguillonnent aujourd’hui la skyline pauliste, sans compter les milliers d’autres bâtiments qui se contentent d’une hauteur sous la toise plus humble, tout en jouant des coudes. Mieux vaut donc oublier explorer la ville dans sa globalité ou, en tout cas, au cours d’un seul séjour.
Dans le « Centro » historique, outre la fameuse Catedral da Sé, on trouve, dans un mouchoir de poche, une belle brochette d’édifices parmi les plus symboliques de la ville. À commencer par celui qui fut longtemps l’emblème de sa modernité, l’Edificio Martinelli – 1929, 130 mètres de hauteur, 30 étages –, premier gratte-ciel des Amériques construit hors des États-Unis. À deux pas s’élève un autre bâtiment phare, au style Art déco, clin d’œil tropical à l’Empire State Building new-yorkais : l’Edificio Banespa – 1947, 161 mètres, 40 étages. Du haut de sa terrasse panoramique, le regard peut embrasser l’immensité de la cité. Non loin, se hisse fièrement l’Edificio Italia – 1965, 168 mètres, 46 étages –, gratte-ciel rationaliste et élégant du maître d’œuvre allemand Franz Heep.
Les immeubles de grande hauteur n’étant pas la règle absolue, le visiteur a également droit à son lot de bizarreries formelles. Ainsi, sur la prospère Avenida Paulista, sorte de Champs-Élysées locaux, juste en face du Parque Trianon, est amarré un ovni brutaliste dressé sur ses quatre pattes d’un rouge éclatant : le Museu de Arte de São Paulo, splendide édifice de l’architecte brésilienne Lina Bo Bardi. Mais la palme de l’étrangeté revient à Ruy Ohtake, lequel signe deux « jalons » : dans le quartier de Pinheiros, l’Instituto Tomie Ohtake, complexe culturel à la façade bariolée édifié en l’honneur de sa mère, célèbre peintre brésilienne, et, plus insolite, dans le quartier de Jardins cette fois, l’hôtel Unique, un monolithe en forme de demi-lune dont la toiture-terrasse offre, certes, une vue imprenable sur la ville, mais que les habitants alentour ont déjà surnommé… « la tranche de pastèque ».

Des stars locales : Rocha, Burle Marx et Niemeyer
São Paulo n’est pas peu fière, en outre, de compter parmi ses concepteurs les deux Prix Pritzker brésiliens – équivalent du « Nobel » en architecture –, Paulo Mendes da Rocha, 83 ans, et l’indéracinable Oscar Niemeyer, 104 ans. Le premier a notamment entièrement réaménagé la Praça do Patriarca (« place du Patriarche ») et construit, sur l’Avenida Europa, le sculptural Museu Brasileiro de Escultura, magnifique éloge au béton armé. Le second a lui érigé, au numéro 200 de l’Avenida Ipiranga, l’ondulant Edificio Copan, doté d’innombrables brise-soleil qui le font ressembler à un mille-feuille géant.
Au sud de la ville, Niemeyer est, en outre, intervenu de concert avec le subtil paysagiste Roberto Burle Marx, dans le Parque do Ibirapuera, « poumon vert » de São Paulo, mais aussi centre névralgique de la culture. Dans ce parc immense (160 hectares) ouvert en 1954, l’architecte vedette brésilien a essaimé moult pépites. Le pavillon Ciccillo Matarazzo accueille, depuis 1951, la Biennale internationale d’art – la trentième du nom aura lieu du 7 septembre au 9 décembre 2012. Le bâtiment « Oca » est une étonnante bulle de béton, tandis que, à l’inverse, le Museu Afro Brasil est, lui, un parallélépipède tout ce qu’il y a de plus rectiligne. Fin 2004 – il n’avait alors que… 97 ans –, Niemeyer a (enfin) pu y ajouter une énième pièce : l’auditorium qu’il avait dessiné cinquante ans auparavant, surnommé « La Língua » (« la langue ») en raison d’un curieux auvent de métal rouge qui perfore cette masse minimaliste. Si l’on ajoute à cette liste déjà conséquente l’agréable Museu de Arte Moderna conçu, lui, par Lina Bo Bardi, le Parque Ibirapuera devient une étape idéale, à la fois culturelle et de détente au cœur de cette végétation luxuriante des Tropiques, avant de songer à replonger dans la jungle urbaine pauliste.

Le MASP (Museu de Arte de São Paulo)
C’est la tête de pont des musées paulistes. Construit en 1968 par l’architecte italienne – naturalisée brésilienne en 1951 – Lina Bo Bardi (1914-1992), le MASP, prononcez « Maspé », est un monolithe suspendu à quatre colonnes s’élevant à 74 mètres du sol. Il possède la plus importante collection d’art occidental et brésilien en Amérique latine : Picasso, Gainsborough, Hieronymus Bosch, Goya, Le Gréco, Manet, Degas… Sans oublier les pointures locales, comme Candido Portinari ou Anita Malfatti.

www.masp.art.br

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Le MuBE (Museu Brasileiro da Escultura)
Situé au milieu des arbres du quartier Jardim Europa et dessiné en 1986 par Paulo Mendes da Rocha, le Museu Brasileiro da Escultura détonne par son esthétique, en particulier cette gigantesque « poutre » de 60 mètres de long et de 12 mètres de large, suspendue comme en lévitation, sous laquelle se déploie un espace de sculptures en plein air. Le MuBE est l’un des centres d’art les plus passionnants de la ville accueillant, outre la sculpture, peinture, photographie, théâtre, cinéma, art urbain et musique.

www.mube.art.br

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Museu da Casa Brasileira
Installé dans une extravagante villa construite en 1940 par des barons du café, la famille Prado, ce musée se concentre sur le design et la décoration intérieure. La collection permanente inclut une sélection hétéroclite de mobiliers brésilien et européen, du XVIIe jusqu’à nos jours. Son restaurant (Quinta do Museu), sa terrasse et son vaste jardin en font l’un des lieux les plus courus de la ville, surtout le dimanche.

www.mcb.sp.gov.br

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Museu Afro Brasil
Signé Oscar Niemeyer, cet édifice datant de 1953 n’accueille ce musée dédié à la culture afro-brésilienne que depuis 2004. Abolition tardive oblige, l’esclavage est encore une blessure ouverte dans l’histoire du Brésil. À travers son impressionnant fonds de peintures, photographies, vêtements et autres objets religieux – plus de 5 000 pièces –, ce musée évoque l’impact que la culture africaine a eu, et a encore, sur le Brésil moderne. Remarquable !

www.museuafrobrasil.org.br

La « Oca »

C’est l’un des édifices phares paulistes et, pourtant, il a été imaginé par un architecte carioca, Oscar Niemeyer. Le Pavillon Lucas Nogueira Garcez a, en effet, été construit dans le parc Ibirapuera, ouvert en 1954 pour célébrer le 400e anniversaire de la ville de São Paulo. Inspirée d’une hutte amazonienne, cette étrange bulle de béton blanc a illico été baptisée « Oca », vocable qui, dans le langage des Indiens Tupi-Guarani, désigne une vaste maison sans séparations intérieures, construite collectivement et dans laquelle vivent plusieurs familles d’une même tribu. L’édifice, il est vrai, est on ne peut plus original, à la fois primitif et d’une modernité à toute épreuve. À l’intérieur, une très belle rampe dessert les quelque 8 000 m2 répartis sur quatre niveaux. La Oca héberge moult expositions temporaires, notamment la Biennale d’architecture – dont la 10e édition devrait avoir lieu en 2013 – et la toute nouvelle foire du design Salão Design São Paulo [lire p. suivante].

Oca, Parque Ibirapuera, Avenida Pedro Alvares Cabral, Portão 3.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°646 du 1 mai 2012, avec le titre suivant : São Paulo - Capitale Culturelle

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