Art contemporain

Urs Fischer Chez lui, à Grassi

Par Sophie Flouquet · L'ŒIL

Le 26 avril 2012 - 504 mots

Qui a vu l’Urs sait combien l’homme est généreux. Qui a suivi l’homme durant le montage d’une exposition sait combien l’artiste, envers son public, l’est davantage encore.

Pour le Palazzo Grassi, il s’est imposé comme une évidence de confier à Urs Fischer la première monographie d’un cycle qu’il entend consacrer aux artistes vivants. Un tournant dans la programmation de ce musée privé qui s’était jusqu’ici consacré à montrer la collection du maître des lieux, François Pinault, depuis son installation à Venise en 2006. « Une continuité », corrige son directeur, Martin Béthenod, qui insiste sur la cohérence de ce cycle au regard de la collection, tout en rappelant que pas une exposition collective ne s’est faite ici sans la présence d’Urs Fischer.

À voir ce dernier déambuler dans ce splendide bâtiment du XVIIIe, on comprend donc qu’il s’y sente alors un peu comme chez lui. Qu’il s’agisse de l’atrium du palais, du grand escalier ou des salles voisines du Grand Canal, Fischer en connaît chaque espace pour l’avoir déjà « habité ». Ce qui lui fait dire que le Palazzo Grassi « ne [lui] fait pas peur »… C’est tant mieux, car le bâtiment et sa charge d’art et d’histoire
en auraient impressionné plus d’un. Pas lui. « It’s fast ! », « C’est facile ! », s’enflamme au contraire celui qui n’a cherché ni à évacuer le lieu ni à s’y mesurer, seulement à s’y déployer. En haut de la première volée de marches qui mène à l’étage, face au bas-relief sculpté du palais, Urs Fischer a suspendu son imposant mais discret Old Pain, morceau d’une figure rose inversée, comme retenue dans le vide par une main. Manière de dire au visiteur qu’il va devoir perdre ses repères, ce que lui confirment les deux petites poules en aluminium pendues par deux lourdes chaînes tout en haut des escaliers.
Fischer aime jouer avec le sens. Giratoire, des choses et de la vie. Haut-bas, drôle-grave, réel-fictionnel… Il s’en amuse lorsqu’il observe l’intérieur de ses fragments en mousse de corps humain : nez, bouche, pénis (Untitled, 2006)… comme à travers une longue-vue. Il en rit lorsqu’il regarde au plafond la carotte qu’il a mise à la place du tube fluorescent d’un néon (Neon, 2009). Il s’en émeut dès qu’il passe devant la bougie en cire le représentant, grandeur nature, se consumant le temps de l’exposition…

Comme pour montrer que le faire l’intéresse plus que le fait, Urs Fischer a redéployé l’installation qu’il a réalisée à Glasgow en 2011 avec Georg Herold, son professeur, qui mêle vrais plâtres d’atelier et vrais modèles vivants, nus, dans un même espace d’exposition. Œuvre maîtresse de sa monographie, sinon de son travail, celle-ci dialogue avec Madame Fisscher, ancien atelier londonien – capharnaüm ? – de l’artiste reconstitué dans l’atrium du palais, en contrebas. Façon de signifier que dans la collection de François Pinault, Urs Fischer est un peu comme chez lui. Et que chez lui, c’est le monde…

« Madame Fisscher »

Palazzo Grassi, Campo San Samuele 3231, Venise (Italie), www.palazzograssi.it/fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°646 du 1 mai 2012, avec le titre suivant : Urs Fischer Chez lui, à Grassi

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