La reproduction

Simple copie ou véritable création ?

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 juillet 2006 - 376 mots

Peint en 1878, le portrait de Zola que brosse Manet vaut plus par l’environnement dans lequel il représente l’écrivain, que par l’analyse psychologique. À l’inventaire des éléments qui composent le décor, figure une photographie en noir et blanc du tableau d’Olympia. Ce faisant, le peintre entérine une pratique qui ne cesse de se développer alors : la reproduction des œuvres d’art par le biais de la photographie. C’en est fini du recours à la gravure. L’invention du daguerréotype ne bouscule pas seulement les genres du portrait et du paysage, elle s’impose aussi comme le meilleur moyen de reproduction et de diffusion des œuvres d’art.
De tout temps, la question de la copie s’est posée, instruisant une réflexion sur la valeur esthétique qu’il convient de lui accorder par rapport au modèle original. Si, dans son ouvrage L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique (1936), Walter Benjamin rappelle que l’œuvre d’art a toujours été fondamentalement reproductible, il souligne comment la photographie a entraîné le dépérissement de ce qu’il appelle « l’aura » de l’œuvre d’art, sa part d’authenticité en quelque sorte.
Walter Benjamin distingue dès lors catégoriquement la chose reproduite et sa reproduction : l’une est œuvre d’art, l’autre ne l’est pas. « Car l’acte du photographe réglant l’objectif ne crée pas véritablement une œuvre d’art, ses actes représentent tout au plus des performances artistiques », écrit-il. Et pourtant, il n’est guère pensable aujourd’hui de regarder toutes ces photos du temps passé sans les appréhender comme autant d’œuvres artistiques à part entière.
L’exposition du musée d’Orsay ne présente pas, en effet, un simple caractère sociologique, et les quelque quatre-vingts photos qu’elle rassemble témoignent du talent de véritables artistes. Mais elle sanctionne aussi l’intense activité commerciale qui se met en place dès 1850 autour de la reproduction d’œuvres d’art. D’Hippolyte Bayard à Alfred Stieglitz, en passant par Charles Nègre, Gustave Le Gray, l’atelier Disdéri, Adolphe Braun ou bien encore Charles Marville, les images que nous donnent à voir ces photographes proposent un regard autre, voire rénové, sur des œuvres souvent repérées. Elles nous dessillent les yeux et nous en révèlent une face cachée.

« L’œuvre d’art et sa reproduction photographique », musée d’Orsay, 1, rue de la Légion-d’Honneur, Paris VIIe, tél. 01 40 49 48 14, jusqu’au 10 septembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°582 du 1 juillet 2006, avec le titre suivant : La reproduction

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