La Piscine vedette du classement des musées

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 1 juillet 2006 - 859 mots

Alors que les trois grands musées parisiens trustent naturellement le podium, les musées du Nord, dont Roubaix, font preuve d’un fort dynamisme malgré une petite baisse de leur fréquentation.

Que les trois grands musées parisiens soient en tête de la nouvelle édition du palmarès général des musées d’art en France n’est pas vraiment une surprise. Ces trois musées nationaux bénéficient à la fois de toutes les attentions de la puissance publique et de la manne touristique de la capitale. Ainsi, le Louvre, nettement en tête du classement avec 355 points, reçoit une subvention annuelle de près de 100 millions d’euros et accueille 7,5 millions de touristes. Des moyens sans aucune comparaison avec les autres musées.
Parmi les quelques 300 musées de l’enquête, les cinquante premiers révèlent de nombreuses surprises. Alors que 11 musées parisiens entrent dans ce top 50 (en réalité 53, compte tenu des ex æquo), la région Nord-Pas-de-Calais ne compte pas moins de six élus.
Le musée d’Art moderne de Villeneuve-d’Ascq cède sa troisième place au Centre Pompidou et est maintenant talonné par la Piscine de Roubaix, le grand gagnant, compte tenu de sa taille, du palmarès 2006. Également bien placé dans les trois classements thématiques, le musée de Roubaix qui passe de la 11e à la 5e place, est l’exemple type du musée dynamique et ouvert sur son environnement.
Le lieu, l’ancienne piscine municipale transformée en musée en 2001, n’est certes pas pour rien dans son attrait. Les collections, largement constituées d’œuvres du xixe, jadis si décriées et maintenant de retour en grâce, sont d’un abord facile pour les visiteurs.
Son conservateur, Bruno Gaudichon, impulse une politique active d’expositions temporaires (14 en 2005), à l’image de l’exposition « Picasso » en 2004, qui avait tellement attiré de visiteurs que la fréquentation a baissé en 2005. La notoriété grandissante ajoutée à une proximité avec les élus locaux ont permis un enrichissement des collections de près de 700 000 euros.

La longue histoire des musées du Nord-Pas-de-Calais
Le palais des Beaux-Arts de Lille accuse lui aussi une baisse importante de ses visiteurs en 2005, le contrecoup du succès de Lille 2004, mais remonte tout de même à la 10e place, suivi, pour les autres musées du Nord du musée Matisse du Cateau-Cambrésis (23e), du musée de la Chartreuse de Douai (25e), des musées d’Arras (32e) et de Cambrais (48e).
Le tissu muséal nordiste s’appuie sur une tradition de flux artistiques entre Paris et les Flandres, remontant à la Renaissance et à l’éclosion de musées à l’époque où le charbon et le textile
faisaient la richesse de la région. Les élus territoriaux jouent aujourd’hui la carte de la culture pour revitaliser une région durement touchée par la désindustrialisation. On peut cependant s’interroger sur la pertinence d’ajouter un nouveau musée, l’antenne du Louvre à Lens, à un ensemble que l’on vient de voir plutôt bien doté.
À contre-courant des musées nordistes, la fréquentation de l’ensemble des musées d’art a augmenté de 5 %, s’établissant, pour les sites participant à l’enquête, à 32 millions de visiteurs. Les effets du 11 septembre 2001, avec la désaffection des touristes principalement américains qui s’en était suivie, sont maintenant dissipés. Flux et reflux. Aujourd’hui c’est le Da Vinci Code qui remplit les musées, enfin, surtout le Louvre. Les trois grands musées parisiens font à eux seuls la moitié des 32 millions d’entrées, un chiffre qui grimpe à 63 % si l’on ajoute la fréquentation du château de Versailles qui
devrait profiter en 2006 du Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Car à partir du milieu du classement, les musées n’enregistrent plus que 5 visiteurs par heure. Autant dire que, au-delà, les salles sont vides.
La gratuité est-elle le remède miracle ? On pourrait le croire à constater les 9 millions d’entrées gratuites. Reste qu’il s’agit là d’un effet d’aubaine ; entrent gratuitement ceux qui fréquentent déjà les musées et ont en général les moyens de payer le prix d’entrée. La gratuité n’attire pas vraiment de nouveaux publics et plombe des recettes propres déjà réduites. Ainsi les musées de la Ville de Paris sont gratuits et font du sur place, car la Ville consacre la majorité de ses budgets à la rénovation du Petit Palais et de Cernuschi.
Car les musées coûtent cher, et leurs programmes de rénovation plus encore. Les travaux de réhabilitation des seuls musées ouverts tout au long de 2005 ont dépassé 53 millions d’euros. Outre Cernuschi et le Petit Palais, le musée d’Art contemporain de Dunkerque a été rouvert, tandis que le musée Rodin s’est agrandi et qu’un nouveau musée d’art contemporain a vu le jour à Vitry, en banlieue parisienne.

Les grands travaux ne sont pas que l’apanage des Présidents
2006 s’annonce tout aussi faste avec la réouverture du musée d’Art moderne de la Ville de Paris et du musée Granet à Aix, l’inauguration de la dernière tranche des Arts décoratifs et bien sûr le Quai Branly, voulu par Jacques Chirac. Comme en leurs temps Beaubourg par Georges Pompidou, Orsay par Valéry Giscard d’Estaing et le Grand Louvre par François Mitterrand.
Qu’ils soient élus d’une petite ville ou Présidents de la République, les Princes ont compris depuis longtemps la portée symbolique de ces nouveaux temples.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°582 du 1 juillet 2006, avec le titre suivant : La Piscine vedette du classement des musées

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