Musée - Mécénat

Un musée entièrement financé par le mécénat privé

Par Anouchka Roggeman · L'ŒIL

Le 1 octobre 2006 - 978 mots

À Boston, puritain ne rime pas avec art contemporain. Financé entièrement par des fonds privés, l’Institute of Contemporary Art a pu faire appel aux grandes fortunes de la ville pour voir le jour.

Ville portuaire prospère depuis l’ère coloniale, Boston est la capitale intellectuelle de la Nouvelle Angleterre. Comptant 600 000 habitants, la ville rayonne notamment grâce à ses prestigieuses écoles (Harvard et MIT) et à ses racines européennes qui lui valurent le surnom de l’« Athènes des États-Unis ».

Des musées en tous genres mais l’art contemporain reste en marge
Fréquentée par les intellectuels et étudiants du monde entier, la ville compte de nombreux musées, d’histoire, de science et d’art. Parmi eux, le musée des Beaux-Arts est sans conteste le plus prestigieux. Ouvert en 1876 et considéré aujourd’hui comme l’un des plus importants du pays, ce superbe musée comprend plus de 400 000 objets d’art, datés de l’Antiquité à nos jours.
De taille plus réduite, le musée Isabella Stewart Gardner présente aussi quelques joyaux de maîtres, comme des peintures de Fra Angelico, de Raphaël ou de Vélasquez. Enfin, situés dans l’agglomération de Boston, à Cambridge, les trois musées appartenant à l’université de Harvard, (Fogg Art, Busch-Reisinger Museum et Arthur M. Sackler) proposent aussi régulièrement des expositions de très grande qualité.
Peu mentionné dans les guides, le musée d’art contemporain (ICA) de Boston n’avait jusqu’à aujourd’hui aucune collection propre. Pourtant le premier au monde à exposer les œuvres d’artistes comme Oskar Kokoschka, Andy Warhol et Cornelia Parker, il menait depuis sa création en 1936 une politique d’expositions temporaires, n’hésitant pas à fermer entre deux événements.
Depuis 1999, l’ICA est dépassé par le MASS MoCA, le plus grand musée d’art contemporain du Massachusetts qui, bien que situé à deux cents kilomètres de Boston, est plus fréquenté. Sans
oublier qu’à quatre heures de là, à New York, les grands amateurs d’art contemporain du monde entier se retrouvent tous au MoMA.
L’art contemporain a-t-il réellement un public à Boston ? Pour Bernard Toale, propriétaire d’une galerie éponyme à Boston, « l’art contemporain y a toute sa place. Il faut cesser de comparer Boston à New York. Nous n’avons pas la même taille ni la même énergie. New York est un aimant, nous ne pouvons que venir derrière ».
Au contraire, pour Michael Price, propriétaire de la galerie MPG Contemporary, « les Bostoniens préfèrent l’art de la représentation et boudent l’art conceptuel ou abstrait, probablement à cause du passé puritain de la ville. Le musée d’art contemporain n’a pas eu le rôle qu’il aurait eu dans d’autres villes comme Chicago ou New York ».

99 % de fonds privés aux États-Unis contre 99 % de fonds publics en France
Délaissé par les Bostoniens qui semblent préférer les danseuses de Degas aux vidéos de Anri Sala, l’Institute of Contemporary Art souffrait aussi cruellement de locaux inadaptés. Or, comme le musée des Beaux-Arts, l’établissement est financé à 99 % par des fonds privés. Il fallait donc, dès l’obtention de la parcelle de terre en 1999, lancer une vaste campagne de recherche de fonds auprès des grandes fortunes et fondations privées de la ville pour obtenir, à quelques mois de l’ouverture, la quasi-totalité du budget global, soit soixante-deux millions de dollars (environ quarante millions d’euros).
En France, la situation est radicalement différente. Ainsi pour la construction du MAC VAL, ouvert en novembre 2005 à Vitry-sur-Seine, les financements proviennent de l’État (25 %), de la Région (25 %) et du Département (50 %). « Malheureusement, en ce qui concerne l’achat d’œuvres d’art, les subventions restent très modestes. Le Département investit chaque année 600 000 euros, et l’État et la Région ne nous donnent qu’une subvention de 150 000 euros » explique Dominique Heurtier, administrateur du MAC VAL. « Concernant les fonds privés, que nous voulons développer, ils représentent à l’heure actuelle à peine 1 % des ressources du musée, principalement via nos partenaires locaux et la location de nos salles. »
Pour Yves Marek, conseiller culturel du président du Sénat et responsable du musée du Luxembourg, cette différence entre la France et les États-Unis s’explique notamment par le statut donné au mécène. « Aux États-Unis, le mécène est considéré comme une personne de très grande valeur qui enrichit l’histoire de l’art. En France, c’est un financier qui a pour interlocuteurs des institutions publiques qui veulent boucler leur budget. Lorsque le mécène français fait un don d’œuvre, on lui fait comprendre qu’il ne fait que rendre à l’État ce qui lui appartient. Tant qu’on n’aura pas changé de mentalité, le mécénat privé n’existera pas en France ».

Mécène de l’ICA, Barbara Lee a donné six millions et demi de dollars !
Membre très influent du conseil d’administration du musée, invitée à toutes les manifestations de relations publiques organisées par l’Institute of Contemporary Art, Barbara Lee sera aussi en première ligne le jour de l’inauguration. Ce jour-là, une plaque portant son nom sera scellée pour l’éternité dans le hall d’entrée de l’établissement. Elle fera désormais partie des personnes influentes de Boston.
Afin que le projet puisse voir le jour, cette  femme membre du Congrès et résidente de Boston a fait un don de six millions et demi de dollars (environ cinq millions d’euros) provenant de sa fortune personnelle au musée. « Je pense que l’art est un moyen de nous élever au-dessus de tout. Je vis à Boston et j’ai pour mission d’aider ma ville à se développer. J’ai aussi l’impression que ce nouveau musée encouragera les autres à investir plus dans l’art contemporain ». Un exemple à méditer.

Autour de l’exposition

Informations pratiques The Institute of Contemporary Art, est ouvert les mardi et mercredi de 10 h à 17 h, les jeudi et vendredi de 10 h à 21 h, et les samedi et dimanche de 10 h à 15 h. Tarifs : 12 $/10 $. ICA, 955, Boylston Street, Boston, tél. (001) 617 266 5152, www.icaboston.org

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°584 du 1 octobre 2006, avec le titre suivant : Un musée entièrement financé par le mécénat privé

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