Lagarrigue

comme dans un rêve éveillé

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 octobre 2006 - 312 mots

Fragiles, timides, gracieux : tous ces adjectifs qualifient parfaitement les équilibres graphiques qu’Emmanuel Lagarrigue établit dans les espaces d’exposition qu’il investit avec ses installations sonores. Pour l’inauguration d’un tout nouvel espace signant le déménagement de la galerie du quartier de la Bastille au Marais, Alain Gutharc a donc invité ce jeune artiste de trente-quatre ans, encore discret sur la scène française, à exposer l’étendue de ses talents.
Une installation « I never dream otherwise than awake » occupe toute la salle de son éclairage bleu et de ses voix. Emmanuel Lagarrigue a en effet demandé à huit personnes de bien vouloir lui fredonner un morceau, une chanson qu’elles affectionnent. On ne connaîtra pas la raison intime de ces choix confiés aux ciseaux et à la colle électronique de l’artiste qui s’est employé à composer pour chacun une séquence musicale. Avec ce cadeau intime qu’on lui a fait, Emmanuel Lagarrigue a tissé une œuvre pudique et sensible, une véritable caisse de résonance pour le spectateur déambulant à travers ces inconscients.
Comme dans un rêve éveillé, les mots s’entrecroisent, composent une autre chanson, font écho à d’autres histoires, celles du spectateur. L’œuvre de Lagarrigue joue sur la corde du sensible sans tomber dans un romantisme qu’on pourrait craindre mièvre. Bien au contraire, il souligne délicatement la difficulté des rapports humains. Avec justesse aussi.
Si les composants de ses constructions spatiales sont généralement basiques (un fil conducteur sonore, des haut-parleurs miniatures dont la présence est requise par un besoin technique), l’ensemble forme une constellation poétique, scintillante et légère, d’une grande beauté. Maîtrisant les sonorités électroniques, la combinaison des sons cristallins, désincarnés, et des voix entraîne l’appréhension bien au-delà de l’aspect graphique minimal et de l’impression mélancolique, dans un champ d’une intimité prégnante, à la perspicacité ravageuse.

« I never dream otherwise than awake », galerie Alain Gutharc, 7, rue Saint-Claude, Paris IIIe, jusqu’au 14 octobre 2006.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°584 du 1 octobre 2006, avec le titre suivant : Lagarrigue

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