Lee Friedlander

De la photo de rue à celle de paysage

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 octobre 2006 - 457 mots

Dans la série des Autoportraits que réalise en 1965 le photographe américain Lee Friedlander, plus d’un ne manque pas d’étrangeté. Celui où l’artiste a saisi l’ombre de sa silhouette comme assise dans un fauteuil, ses pieds étrangement en lieu et place de celui-ci tandis que sa tête se découpe sur le dossier noyé dans la lumière du soleil, est étonnant. L’effet palimpseste qui en gouverne la composition et qui contribue à la complexifier caractérise toute l’œuvre de ce photographe, émule de Walker Evans et de Robert Frank.
Originaire de l’État de Washington, né en 1934, Lee Friedlander a fait ses études à Los Angeles puis à New York où il s’est installé définitivement au milieu des années 1950. Commençant à travailler au même moment où émergeait le Pop Art américain, rien de surprenant qu’il adhère à l’idée en vogue de photographier l’Amérique ordinaire. Dès lors, l’artiste multiplie les vues urbaines, les devantures de magasin, les annonces publicitaires et les scènes de la vie quotidienne.
Si, « les photos de New York de Friedlander possèdent parfois cette densité fournie, en “mille-feuille” », comme l’a noté l’historien Michel Frizot, le plus souvent « son style est laconique, direct, au bord du non-engagement ». De fait, d’une objectivité résolue, ses images jouent de tous les événements plastiques que ses sujets lui offrent : ombres, reflets, mises en abîme, superpositions, élisions… Il en résulte une œuvre très créative, toujours imprévisible.
Au fil du temps, l’art de Friedlander gagne en sensibilité et le photographe élargit ses sujets au thème générique du paysage. À la manière d’un Atget contemporain. En 1976, il publie un ouvrage qui fera date – The American Monument – en forme d’hommage à la variété des monuments publics de son pays, qu’ils soient nobles ou non.
Les commandes qui affluent le conduisent à traiter de nouveaux motifs comme les Factorys Valleys : Ohio and Pensylvania (1979) mêlant images de sites industriels et portraits de travailleurs. Puis, d’autres thèmes le retiennent comme les nus ou les cerisiers du Japon.
Retour aux sources au début des années 1990, Friedlander multiplie les images des paysages de l’Ouest américain. Délaissant son Leica pour un Hasselblad, il peut tout à loisir explorer tous les champs de l’image et en traquer le moindre détail. Ainsi en témoigne Sticks & Stones : Architectural America, publié en 2004, dernier acte en date d’une vision de l’Amérique contemporaine.
Rétrospective, l’exposition du Jeu de paume nous offre ainsi à découvrir la richesse d’une œuvre dont le parcours plus que singulier va et vient de l’école de la rue à celle du paysage.

« Friedlander, 50 ans de photographie », Jeu de paume, site Concorde, 1, place de la Concorde, Paris VIIIe, tél. 01 47 03 12 50, jusqu’au 31 décembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°584 du 1 octobre 2006, avec le titre suivant : Lee Friedlander

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