Derrière son apparente facilité, l’œuvre du sculpteur dissimule un esprit vif et aiguisé

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 novembre 2006 - 390 mots

Si l’exposition « Sculpture by the way » offre un foisonnement de dessins préparatoires, de maquettes de projets réalisés, en devenir ou avortés, et signe la production d’un coquelicot géant, elle revient surtout sur deux temps forts des années 1980.

Lames de fond
En 1985, Germano Celant, directeur de la Biennale de Venise, invite Claes Oldenburg et son épouse à concevoir un événement performatif. En compagnie de l’architecte Frank Gehry, ils orchestrent Il corso del coltello, dont le point d’orgue fut le départ sur les eaux de la lagune, d’un bateau-couteau suisse aux lames métalliques animées. Étonnant mélange du défilé vénitien du Bucentaure (navire cérémoniel), d’une galère et d’une gondole, la performance excentrique mettait en scène, sans plus de logique visuelle ou narrative, cinq personnages déguisés et quelques objets symboliques disproportionnés en mousse.
De cet événement, devenu culte pour toute une génération, restent aujourd’hui des documents photographiques, les costumes, une quantité impressionnante de dessins et de modèles réduits.
Autre pièce historique, une installation de 1989 réalisée pour l’exposition décriée et depuis célèbre, « Les magiciens de la terre », cornaquée au Centre Georges Pompidou et à la Grande Halle de la Villette par Jean-Hubert Martin. Pour la première fois, une exposition d’art contemporain ouvrait ses cimaises à l’art des pays émergents, préfigurant la globalisation-mondialisation et l’éclatement des scènes artistiques chers aux années 1990.
Asie, Afrique, Océanie étaient enfin représentées dans leur contemporanéité artistique aux côtés d’artistes confirmés du mon­de occidental. Parmi eux, Claes Oldenburg réalisa une installation, Entropic library, reprise au Castello de Rivoli. Dans cette bibliothèque en déréliction, des ouvrages géants en mousse offrent leur piteux état en spectacle : rongés, décatis, hors d’usage, même l’ampoule électrique est cassée.
Symbole de la faillite de la culture « occidentalocentriste » qui, jusqu’à présent, s’était arrogé le droit d’écrire seule l’histoire du monde, l’œuvre de Claes Oldenburg offrait un contraste saisissant et terrible. Véritable allégorie de l’arrogance, cette exposition de l’émiettement de la pensée et du pouvoir culturel est l’une des rares œuvres engagées que l’artiste réalisera depuis longtemps. Enfin, l’exposition permet de découvrir une installation récente, Resonances, after J.V. (2000), version molle et avachie d’un détail tiré de deux toiles du peintre flamand Vermeer conservées à la National Gallery de Londres, des jeunes femmes assises devant un virginal. Un hommage irrévérencieux qui laisse penser qu’Oldenburg n’a rien perdu de sa causticité.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°585 du 1 novembre 2006, avec le titre suivant : Derrière son apparente facilité, l’œuvre du sculpteur dissimule un esprit vif et aiguisé

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