Jana Sterbak

Mise au point complète

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 novembre 2006 - 321 mots

De Jana Sterbak, née à Prague en 1955, mais émigrée au Canada durant son adolescence, on connaît surtout une sculpture devenue une véritable icône : Vanitas, Flesh Dress for an Albino
Anorectic (1987). Cette robe de viande rouge fraîche déclencha de nombreuses protestations et demeure à travers la documentation photographique qui la constitue aujourd’hui, un geste d’une sensibilité corporelle incroyablement aiguë. Si elle est absente de l’exposition rétrospective nîmoise qui rassemble les œuvres réalisées entre 1979 et 2003, elle plane néanmoins sur ses salles. La question du temps posée par ce vêtement périssable est en effet centrale dans nombre de pièces réalisées depuis.
Dans Dissolution, une dizaine de chaises, dont les armatures en métal soutiennent une assise et un dossier en glace, entraînent le personnel du musée dans une performance quotidienne, les obligeant à remplacer l’œuvre chaque matin. Le spectateur est quant à lui confronté à une fonte riche de symboles et d’interprétations, à une entropie soulignant crûment l’absence de corps.
Une disparition réaffirmée dans l’installation vidéo que Sterbak avait présentée à la 50e Biennale de Venise dans le pavillon canadien, From here to there I, en 2003. En six panneaux de projection articulés, on découvrait un paysage enneigé chaotique, frénétique et décalé en caméra subjective. Le point de vue ? À trente-cinq centimètres du sol, celui du chien Stanley, jamais visible mais bien audible, un regard résolument animal et inconscient. L’œuvre fonctionne sur l’une de ces dichotomies que Sterbak affectionne : vie sauvage versus civilisation, conscience et inconscience, désir et répulsion. Jusqu’à ce tournage au hasard d’une prospection canine, l’artiste sondait des domaines plus lourds, de l’érotisme à la religion et leurs tabous inhérents. Elle avait surpris tout le monde par ce virage humoristique. Dans le cadre d’une rétrospective, la cohérence de l’œuvre malgré son éclectisme formel n’en sera que plus flagrante.

«Jana Sterbak, Condition contrainte», Carré d’art, Nîmes (30), tél. 04 66 76 35 70, http://musees.nimes.fr/, jusqu’au 7 janvier 2007.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°585 du 1 novembre 2006, avec le titre suivant : Jana Sterbak

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