John Armleder

Régal à tous les étages

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 décembre 2006 - 385 mots

Proposition inédite au Mamco : les clés du musée genevois ont été remises au plus célèbre de ses représentants, installé dans ses murs avec une jubilation contagieuse. Quatre étages, quatre plateaux, pas moins, pour un univers foisonnant d’une finesse et d’une vivacité exceptionnelles.
Complices de vingt ans, Christian Bernard, le maître des lieux, et John Armleder, l’artiste, ont visiblement savouré cet exercice. « John fait partie des meubles, résume malicieusement Christian Bernard. Il a contribué à façonner un visage au musée et ses façons de faire ont constamment été une source d’inspiration pour mes façons de faire. »
Le résultat en témoigne : ni exposition géante, ni rétrospective canonique, l’immersion se fait à la manière d’une exploration inépuisable dont le visiteur sort surmené et réjoui. Le parcours rend compte des pratiques et matériaux polymorphes utilisés par Armleder et amorcés dans le sillage de Fluxus dès le milieu des années 1960. Néons jetés au sol, fameuses peintures à pois ou effondrement de rayures sur la toile, guitare fixée au mur, on croisera encore un bison empaillé auprès d’autres compagnons de taxidermie sur fond de cacophonie à dominance hawaïenne, des tables en Formica converties en surfaces picturales abstraites, un cerveau géant sculpté dans le verre ou même une assemblée distinguée de boules à facettes.
Sans hiérarchie de genre, Armleder enchaîne avec une désinvolture piquante objets, ready-made, citations, mobiliers, peintures. L’artiste fait ainsi glisser les références pour cultiver ce qu’il qualifie lui-même de « célébration du spectateur », évidemment préférée à celle de l’artiste.
L’artiste suisse en profite encore pour énoncer quelques propositions sacrilèges sur la mise en espace des œuvres. Comme un pied de nez aux certitudes des expositions contemporaines, les murs n’hésitent pas à opter ça et là pour la surcharge et un décoratif joyeusement douteux, parés ici de tissus impeccablement plissés, recouverts là de coton brut, ou tapissés d’un papier d’emballage crépitant vert métallique.
Au final, « autant d’Armleder pos-sibles » suggère Christian Bernard. Et d’ajouter : « C’est l’artiste au plus petit ego que je connaisse. » Un peu comme si chaque tentative autoritaire ou définitive de l’œuvre et de ses références se voyait immédiatement sanctionnée et déroutée. Pour notre plus grand appétit.

« Amor vacui, horror vacui », musée d’Art moderne et contemporain, 10, rue des Vieux-Grenadiers, Genève (Suisse), www.mamco.ch, jusqu’au 21 janvier 2007.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°586 du 1 décembre 2006, avec le titre suivant : John Armleder

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