Visions diluviennes

Par Sophie Flouquet · L'ŒIL

Le 1 décembre 2006 - 385 mots

Des premières représentations chrétiennes à aujourd’hui, le thème du Déluge a traversé toutes les époques de la production picturale occidentale. Tiré de la Genèse, celui-ci évoque la montée des eaux destinée à laver l’humanité de ses péchés, humanité sauvée malgré tout grâce à l’arche de Noé. En témoignent cette centaine de tableaux et gravures du XVIe au XIXe siècle, réunis de manière inédite au musée Magnin à Dijon. Leur confrontation illustre brillamment l’évolution de la manière dont les artistes se sont emparés du sujet au gré des époques.
Alors qu’au Moyen Âge la scène est le plus souvent traitée par la représentation symbolique de l’arche de Noé, des scènes plus complexes apparaissent à la Renaissance. Elles représentent le moment précis de la montée des eaux, et offrent le prétexte à une figuration du chaos par d’étonnants motifs de tourbillons, ou à la création de compositions bipartites, opposant vision antédiluvienne et postdiluvienne.
Au XVIIe siècle, alors que le sujet connaît toujours un vif succès, les scènes se recentrent sur un groupe de figures isolées, traitées de manière monumentale, dans des tableaux de grand format empreints d’un dynamisme baroque.
Quelque peu passé de mode en pleine période rocaille, le Déluge réapparaît au tournant des xviiie et XIXe siècles. Les peintres prennent alors une distance avec le texte de l’Ancien Testament et se tournent vers la littérature pour y puiser leur inspiration. Non sans ambiguïté, lorsque le déluge est associé aux grands bouleversements politiques – la Révolution française – ou aux catastrophes
naturelles du temps, comme les tremblements de terre de Lisbonne et de Messine.
Déluge et cataclysme sont donc désormais intimement mêlés. Au XIXe siècle, l’intérêt nouveau pour la représentation du paysage apporte un dernier souffle au thème, notamment Outre-Manche, comme le démontrent quelques grandes compositions de William Turner (1775-1851). Le peintre anglais y distille un sens du catastrophisme époustouflant, notamment dans son grand Déluge de 1805 (Tate Gallery, Londres). Cette toile témoigne aussi de l’ambition du peintre de hisser le genre du paysage au rang de la peinture d’histoire. Ce thème, d’une richesse inépuisable, est capable de bousculer la hiérarchie des genres et de transcender les époques.

« Visions du Déluge, de la Renaissance au XIXe siècle », musée Magnin, 4, rue des Bons-Enfants, Dijon (21), tél. 03 80 67 11 10, www.musee-magnin.fr, jusqu’au 10 janvier 2007.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°586 du 1 décembre 2006, avec le titre suivant : Visions diluviennes

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