Esthétique des images extrêmes

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 7 août 2007 - 400 mots

Y a-t-il une esthétique des images extrêmes, de celles qui exhibent la violence ou la pornographie ? Ce n’est pas la question que pose Paul Ardenne, mais c’est celle qui taraude le lecteur au fil des pages de son nouvel essai.

L’auteur, enseignant et critique d’art, se propose d’analyser l’esthétique extrémiste et subsidiairement de définir une image extrême. Le point de départ est avéré : l’époque est à la recherche d’émotions fortes. Mais, exceptée une poignée d’intrépides ou d’inconscients, l’homme du xxie siècle vit ces sensations extrêmes en spectateur.
Suit, alors, ce qui constitue le corps même de l’ouvrage, un inventaire désespérant des pratiques humaines excessives et mises en images. Clichés et films pornographiques, scatologiques, violents, nécrophiles. La liste est longue : des Happy Slappings aux photoreportages de guerre, en passant par les images d’accidents mortels ou de cadavres. Les images mentales, produites à la lecture du livre, sont déjà terrifiantes.

La distance critique de l’art
Mais en quoi ces images relèvent-elles d’une esthétique ? Il est vrai, les artistes ont toujours eu la tentation de représenter des scènes fortes. Étant entendu que l’impact d’une image varie selon les époques et les mœurs. Et l’auteur de citer les innombrables tableaux sur la Passion du Christ, les corps dégradés de Bacon, Otto Dix ou Rebeyrolle, les performances des actionnistes viennois ou les mutilations d’Orlan.
Mais si le porno soft, façon Jeff Koons et la Cicciolina, fait montre d’une plastique que l’on peut au moins qualifier de kitsch, le porno scato diffusé sur Internet n’entre dans aucune catégorie esthétique. La différence réside dans l’intention du producteur de l’image. L’artiste introduit une distance critique avec le sujet alors que le réalisateur du film recherche la plus grande proximité avec la réalité pour donner la sensation au spectateur qu’il participe à la scène.
Le traitement distinct (artiste/journaliste) de l’image d’actualité est plus éloquent encore. Le journaliste de France 2 qui filma en direct la mort de l’enfant palestinien, lors d’un échange de tirs, vise à rendre compte d’une réalité authentique. Pascal Convert (Paul Ardenne aurait pu aussi citer Olivier Blanckart), qui représente l’événement sous forme de sculpture en cire, déréalise nécessairement le réel. À notre sens, c’est la distance et la déréalisation qui produisent l’esthétique.
Un essai fort, plus accessible que L’Âge contemporain du même auteur et qui ne laisse pas indifférent.

Paul Ardenne, Extrême. Esthétiques de la limite dépassée, Flammarion, 470 p., 24 €.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°587 du 1 janvier 2007, avec le titre suivant : Esthétique des images extrêmes

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