Musée

Beaubourg, trente ans de raffinage culturel

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 6 août 2007 - 759 mots

Le succès du Centre est tel qu’il a nécessité deux campagnes de travaux, de 1997 à 2000 puis ces deux dernières années, pour accueillir pleinement les visiteurs.

Et ils sont nombreux par rapport aux premières estimations des années 1970 : de 5 000, on est passé à 17 000 visiteurs par jour, soit plus de 5 millions en 2005 et plusieurs dizaines de millions en trois décennies.

Une architecture scandaleuse
Il faut dire que le succès populaire fut immédiatement au rendez-vous. Pourtant tout n’était pas gagné d’avance lorsqu’en 1969 le président Georges Pompidou émet le souhait visionnaire « que Paris possède un centre culturel qui soit à la fois un musée et un centre de création, où les arts plastiques voisineraient avec la musique, le cinéma, les livres, la recherche audiovisuelle ».
À l’issue du concours architectural dont le jury est présidé par Jean Prouvé, une fois passées en revue les 681 candidatures, le projet des lauréats Renzo Piano, Richard Rogers et Gianfranco Franchini est en effet loin d’enchanter le principal commanditaire. Les jeunes architectes doivent de plus conduire l’édification de leur « paquebot » dans un centre de Paris éviscéré de ses halles, rasées en 1970.
La polémique enfle devant l’originalité de l’imposant bâtiment, bien plus grand que les immeubles d’habitation avoisinants. Véritable machinerie de verre et d’acier, le Centre a repoussé ses structures porteuses en avant de ses parois vitrées. De grands tuyaux colorés fonctionnels (bleu pour l’air, vert pour les fluides, jaune pour l’électricité, rouge pour la circulation des hommes et des œuvres) occupent l’arrière de la construction tandis que des serpents d’escaliers roulants habillent la façade. Shocking !

Mixité sociale et artistique
Avec sept niveaux, 90 000 mètres carrés (plus de 100 000 après travaux), le Centre Pompidou rassemble tous les ingrédients énoncés par le président décédé en 1974. Une Bibliothèque publique d’information, outil innovant et unique en France par l’ampleur des ouvrages proposés en libre accès à ses usagers. Aujourd’hui, 14 000 personnes consultent quotidiennement les livres, périodiques et écrans vidéo mis à disposition. Une des plus grandes réussites du Centre, on parle de plus de 50 millions de lecteurs depuis l’ouverture !
Mais le Centre, c’est aussi le musée national d’Art moderne et son imposante collection de plus de 35 000 pièces, l’Ircam, Institut de recherche et de coordination acoustique/musique, fusionné avec le Centre de création industrielle (CCI) en 1995, et, depuis 2006, l’Institut de recherche et d’innovation, département d’excellence intellectuelle.

Expositions de référence
À l’évidence, Beaubourg, c’est avant tout une programmation. Des expositions mémorables depuis l’ouverture en 1977 sous la direction du regretté Ponthus-Hulten. « Paris-New York » et une monographie consacrée à Marcel Duchamp pour commencer, Magritte en 1979 et, la même année, le « carton » Dali, un record avec 840 662 visiteurs !
Les monographies de prestige suivent, célébrant Pollock, Kandinsky, Warhol, Matisse, jusqu’à Léger. Beaubourg assoit sa réputation. Avec certaines expositions plus controversées aussi, comme « Les Immatériaux » ou « L’Art et l’électronique », essai non transformé de Lyotard en 1985 mais depuis rentré dans la légende, et « Les magiciens de la terre » voulus par Jean-Hubert Martin en 1989 comme le premier essai de présentation de la création non occidentale confrontée aux stars de l’art contemporain. Une belle polémique pour un geste précurseur.
En 1996, deux expositions « L’Informe » et « Féminin/Masculin, le sexe de l’art » offrent l’une des plus belles années de la décennie au musée. Depuis, la programmation alterne des expositions pointues, à l’image de « Sons et Lumières » en 2004 et Daniel Buren en 2002, et des best-sellers de qualité mitigée à l’instar des « Années Pop » en 2001, jusqu’au succès scientifique, critique et public – une rareté de nos jours – avec Dada en 2005. Beaubourg a aujourd’hui trente ans. Les architectes avaient promis au président Pompidou un bâtiment centenaire, il lui reste donc de belles années.

Repères

1937 Démolition du quartier au titre de la salubrité publique. 1968 Une bibliothèque devrait occuper le plateau Beaubourg. 1970 Lancement du concours international d’architecture. 1971 Un décret officialise le projet de musée et de « centre de création » défendu par le président Pompidou. 1972-1977 Piano, Rogers et Franchini supervisent la construction du Centre dans un climat polémique. 1972 Intégration du Centre de création industrielle (CCI). 1974 Transfert des collections du musée national d’Art moderne, situé avenue du Président Wilson. Décès de Georges Pompidou. 1977 Le 31 janvier, le bâtiment est inauguré par le président Valéry Giscard d’Estaing. Depuis, le Centre a reçu plusieurs dizaines de millions de visiteurs.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°587 du 1 janvier 2007, avec le titre suivant : Beaubourg, trente ans de raffinage culturel

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