Audrey Nervi

Carnets de voyage

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 6 août 2007 - 341 mots

Audrey Nervi poursuit sa collecte d’images prises sur le vif au gré de ses nombreux voyages. Cette fois, ce devrait être New York, Paris, la Thaïlande ou la Tchéquie et, comme à son habitude, un brassage d’images de tous registres. Ce pourrait être une réactualisation du corpus hyperréaliste tel qu’il fut développé aux États-Unis. On en retrouve même quelques normes et recettes : une peinture exécutée d’après photographie avec force précision et réalisme.
Mais, là où la rencontre du photographique et du pictural et le recours à des techniques mécaniques menaient les tenants de l’hyperréalisme à déréaliser leur motif, à produire une image d’image, les procédures d’Audrey Nervi invitent au contraire à entrer dans une image incarnée, peinte comme pour révéler ce que la photo n’aurait pas vu. Comme une version sentimentale et critique del’hyperréalisme.
La méthode demeure invariablement la même : rassemblés, triés, repris, les clichés amateurs sont soigneusement recomposés au retour en une sorte de redoublement de la subjectivité du regard engagé sur les choses vues « là-bas », ailleurs. Elle le fait sans camoufler leur facture picturale ni évacuer tout à fait les effets et l’objet photographiques.
En résulte alors un étrange sentiment de porosité. Accrochées comme on punaise les images d’un reportage, les scènes brutes et décontextualisés oscillent entre coupes, fragments de réalité et interprétation subjective permise par le recadrage. Les sujets retenus se plaisent à longer les marges. Rarement explicites, cultivant volontiers le « hors-champs », ils témoignent du regard tout autant que du mode de vie d’Audrey Nervi. Sans cesse sur les routes, des technivals et freeparties photographiés dès la fin des années 1990 à la Bosnie ou l’Inde récemment traversées, qu’elle cueille ici une voiture, là un bâtiment abandonné, un visage d’enfant, un corps endormi, une conduite de gaz polonaise ou un panneau publicitaire croate, la jeune femme juxtapose des regards qui composent finalement un possible monde.

« Audrey Nervi, Enlève ton masque », Galerie Frank Elbaz, 7, rue Saint-Claude, Paris IIIe, tel. 01 48 87 50 04, du 3 au 24 février 2007, www.galeriefrankelbaz.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°588 du 1 février 2007, avec le titre suivant : Audrey Nervi

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