Les hauts et les bas d’un peintre de son temps : de l’impressionnisme aux formes cézaniennes

Par Bérénice Geoffroy-Schneiter · L'ŒIL

Le 2 août 2007 - 451 mots

« Quand je connus Picasso en 1903, j’avais déjà fréquenté un groupe d’artistes, alors élèves à l’École des beaux-arts, consigne dans ses mémoires Fernande Olivier. Friesz semblait être leur chef. Ils étaient, pour leurs académiques professeurs, de très mauvais élèves. Friesz et Dufy, qui se quittaient peu, travaillaient alors chez Bonnat. Attirés par les impressionnistes, ils suivaient le chemin des Guillaumin, des Pissarro, des Monet, qui étaient leurs dieux. »

Les premières toiles impressionnistes
C’est, en effet, l’époque bénie pendant laquelle le jeune Émile-Othon Friesz, après avoir fait l’École des beaux-arts du Havre, poursuit ses études à Paris grâce à l’appui de son professeur Charles Lhullier. Tout en menant une vie de bohème, il partage sa vie avec Lilette, la sœur de Fernande, et peint dans un style impressionniste qui lui vaut très vite un franc succès.
Une toile, comme Le Pont Neuf, Paris (1903, Genève, Association des amis du musée du Petit Palais), retient même l’attention bienveillante des critiques. Roger Marx prédit « un bel avenir » pour le jeune artiste, même si Charles Morice stigmatise « un manque de formule précis ». Plus audacieux encore apparaît ce Quai de Javel (1905, collection particulière), dont le premier plan, quasi abstrait, sembler happer le regard…

La révolution fauve en compagnie de Braque
Soucieux de prendre le train de l’avant-garde, Émile-Othon Friesz troque alors l’expérience impressionniste pour épouser la cause du fauvisme. Même si son ralliement au mouvement paraît un peu tardif, son apport sera considérable.
L’été 1906, il fait le voyage à Anvers en compagnie du jeune Georges Braque : de ce séjour de trois mois naissent les premières toiles « fauves » vibrantes de couleurs. Mais c’est peut-être de retour à Honfleur qu’il pousse encore plus loin ses recherches personnelles, comme le montre le superbe ensemble de toiles exécutées durant l’automne 1906, dont ces paysages enneigés d’une rare force plastique.
L’été 1907 parachève l’incandescence de sa palette. Toujours en compagnie de Braque, le peintre exalte la violente lumière de Cassis et de La Ciotat, atteignant une forme de lyrisme, à la limite de l’abstraction.

Le « retour à l’ordre » d’après-guerre
Fondamentale, l’expérience fauve n’aura été que de courte durée. Comme lassé par « l’envahissement désordonné de la couleur », Friesz abandonne ses fiévreuses arabesques pour des formes plus rigoureuses, plus stables. Déjà perceptible dans ses monumentales Baigneuses de 1907 (Genève), l’influence de Cézanne ne cesse alors de peser sur son œuvre. Tournant résolument le dos au cubisme, Friesz tente de créer sa propre synthèse de tradition et de modernité.
Plus contrastée, la période de maturité du peintre oscillera entre toiles ambitieuses (dont quelques nus grandioses) et production alimentaire : ces fameuses « toiles-bifteck » lui servant à éponger ses dettes !

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°589 du 1 mars 2007, avec le titre suivant : Les hauts et les bas d’un peintre de son temps : de l’impressionnisme aux formes cézaniennes

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