Les dessous de la peinture

L'ŒIL

Le 1 août 2007 - 424 mots

 À l’occasion des vingt-cinq ans du musée de Troyes, la capitale du textile a décidé d’honorer son patrimoine industriel en consacrant une exposition au bas. Le bas comme symbole de l’évolution de la condition féminine, certes, mais également comme accessoire du demi-nu qui a inspiré nombre d’artistes. « À fleur de peau » propose des toiles, des clichés, des dessins auxquels le bas a conféré, depuis la fin du xixe siècle, une grâce particulière.
Non sans heurts et indignation du public, Delacroix présente au Salon de 1832 son Odalisque aux bas blancs.
Le public crie au scandale, l’art applaudit, le demi-nu est né. Érotisme allusif ou chasteté déguisée, le demi-nu aux bas devient le recours de nombreux peintres pour deviner les corps féminins. Parmi eux, Toulouse-Lautrec. Dans ses dessins aussi gouailleurs que ses modèles, la Goulue et ses comparses dévoilent leurs résilles, leurs culottes froufroutantes, leurs jeux de jambes allusifs. Spectacle de ravissement que ces mollets gainés de soie aperçus furtivement au détour de coulisses.
Tous les artistes ne l’appréhendent pas de la même façon. Chéret, le grand affichiste, dessine des esquisses plus chastes afin d’échapper à la censure pudibonde. Le vice de ces demoiselles dévêtues ne doit pas être exhibé… soit ! il sera suggéré.
Degas et Seurat y seront également sensibles. Aux danseuses enfantines des premières années succède chez Degas la quintessence de la féminité en bas. Félicien Rops, Picasso, Chagall ou Van Dongen, tous accordent à cet attribut un pouvoir érotique sans équivoque. Les plus grands photographes s’empareront du bas. À Man Ray la jambe gainée comme unique modèle, à Brassaï l’ombre d’un corps pris dans les mailles du filet. Dans les représentations au tournant des xixe et xxe siècles, le bas se veut jarretelle, plus engageant que le bas collant qui en revanche fait son apparition dans les dessins de Gruau et Savignac plusieurs décennies plus tard.
Si le bas fut longtemps l’apanage de l’élégance masculine, il devient au xixe siècle une pièce vestimentaire féminine que l’on ne dévoile pas encore. À la Belle époque, la haute société y adjoint broderies, pierres précieuses et dentelle de Chantilly. Il faut attendre les années 1920 pour que le bas s’impose comme outil infaillible de séduction. De nombreux stylistes se sont penchés sur le bas comme œuvre d’art au cours des siècles, en témoignent plus de deux cent cinquante pièces vestimentaires exposées aux côtés de quelque deux cents œuvres plastiques.

« À fleur de peau », musée d’Art moderne de Troyes, 14, place Saint-Pierre, Troyes (10), tél. 03 25 76 95 02, jusqu’au 30 juin.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°590 du 1 avril 2007, avec le titre suivant : Les dessous de la peinture

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