Le jardin, poumon du marché de l’art

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 31 juillet 2007 - 695 mots

Des floralies de Vincennes à celles de Bagatelle, le jardin est «”¯tendance”¯». Taquinant l’imaginaire des amateurs, les objets bucoliques se bâtissent une serre sur le marché de l’art.

C’est sous le thème bucolique du jardin qu’on répertorie aussi bien la statuaire de jardin, les planches de botanique que les herbiers. Depuis 1986, Sotheby’s organise des ventes annuelles sur la statuaire de jardin. Celles-ci brassent large, des fontaines aux vasques, en passant par les grilles et les façades.
En septembre 2000, une paire de statues de satyres s’est envolée pour 245 000 livres sterling. La palme revient à un faune dansant d’Adrien de Vries, qui avait trôné pendant quarante ans dans un jardin anglais. Présentée lors d’une vente de garden statuary, elle fut opportunément retirée par l’expert en sculptures puis adjugée au Getty Museum pour 6,8 millions de livres sterling en 1989.

Les ventes se multiplient
Si de tels miracles restent rares, le thème du jardin l’est nettement moins, puisque aussi bien en province qu’à Paris, les commissaires-priseurs lui consacrent de temps à autre une vente spécialisée. Après la dispersion par Artcurial en 2003 d’un millier d’éléments d’antiquités architecturales, la société Eve avait organisé la même année une vente entièrement dédiée à ce thème. Ces ventes titillent la nostalgie que certains amateurs nourrissent pour les jardins de leur enfance.
De son côté, Sotheby’s a récidivé en vendant le 30 mai à Amsterdam des sculptures de jardin issues de la collection Piet Jonker. On y trouvait aussi bien un lion ailé estimé 5 000 euros qu’une fontaine en pierre pour 800 euros. La vente proposait une pièce bien plus spectaculaire baptisée Pleasure Garden. Il s’agissait de deux galeries ponctuées de douze colonnes où se mêlaient aussi bien une sculpture de Pan qu’une paire de sphinges. L’estimation pour cette fantaisie était de 150 000 euros.

Des prix à la hausse
Les marchands n’abordent ce domaine qu’au gré du hasard. Seule la galerie Olivia Lamy Chabolle, installée rue de l’Université, s’y consacre à plein temps. Sous cette bannière mouvante, elle glisse indifféremment peintures et objets d’art évocateurs du jardin, mais destinés à se nicher dans les intérieurs. « Le jardin remue beaucoup d’idées et d’émotions contradictoires. C’est à la fois une histoire de vanité et d’humilité », souligne-t-elle. La galeriste avait abordé ce sujet avec des plans de jardin, qu’on peut trouver à partir de 900 euros : des relevés topographiques de jardins existants, ou de projets non réalisés.
Parmi les curiosités, on compte aussi les modèles d’anatomie « classique » du docteur Louis-Thomas-Jérôme Auzoux. Pour aider les étudiants en botanique à « disséquer » les fleurs, et pour leur éviter de grelotter en hiver dans le froid pour effectuer leurs observations, ce médecin avait mis au point au milieu du xixe siècle des grandes fleurs articulées en papier mâché.
Voilà encore cinq ans, ces objets n’intéressaient qu’une poignée confidentielle d’amateurs. Elles valent aujourd’hui en moyenne entre 1 500 à 5 000 euros. La vente du fonds Auzoux en 1998 chez Piasa a contribué à raviver leur cote. Lors de cette dispersion, une gousse de pois estimée 380 euros est partie pour 3 050 euros, une plante entière de fuchsia, dont la couleur était pourtant légèrement écaillée, s’est adjugée pour 2 800 euros.

Dessins de botanique
Dans une version plus classique, fleurs et fruits se livrent dans les dessins de botanique. Si les planches des nombreux élèves de Pierre-Joseph Redouté se négocient entre 150 et 3 000 euros, un feuillet du maître place la barre plus haut. Une planche représentant des liliacées a ainsi atteint 360 000 dollars chez Sotheby’s en 1996.
En revanche, les amateurs de mobilier de jardin doivent chiner dans les ventes courantes ou les mannettes. Au gré des dispersions d’Art déco, on peut parfois s’offrir une jardinière d’Armand-Albert Rateau. Encore que certaines soient inabordables comme la paire adjugée pour 4,1 millions d’euros dans la vente de la collection Dray chez Christie’s en 2006.

Repères

Pierre-Joseph Redouté (1749-1840). Surnommé « le Raphaël des fleurs », protégé par la reine Marie-Antoinette, ce peintre est réputé pour ses représentations de roses. Plus coté que ses élèves. Docteur Auzoux (1797-1880). Ce médecin du xixe siècle avait mis au point des fleurs démontables en papier mâché pour simplifier le travail d’observation des étudiants en botanique. Charles Percier (1764-1838) et Pierre-François-Léonard Fontaine (1762-1853). Les plans réalisés par ce duo d’architectes français sont parmi les plus recherchés.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°593 du 1 juillet 2007, avec le titre suivant : Le jardin, poumon du marché de l’art

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