Des portraits aux « sujets d’imagination », Fantin a laissé une production objective et poétique

Par Sophie Flouquet · L'ŒIL

Le 31 juillet 2007 - 447 mots

L’Autoportrait de 1861 révèle à la fois un pan du tempérament et de l’art de Fantin-Latour. Peint sur un fond gris clair, il est exécuté avec une touche rapide, différente de celle qu’il utilise pour ses portraits de commande. La tête baissée et le cheveu hirsute, le peintre y apparaît en proie à l’introspection.
Ainsi est l’art de Fantin : plus surprenant que ne le laisseraient penser ses portraits bourgeois et convenus, moins léché que ne le sont certaines natures mortes peintes pour le Salon, l’un des rares moyens d’obtenir alors des commandes, et donc de vivre de son art.

« On peint les gens comme des pots de fleurs »
S’il a laissé plusieurs autoportraits, c’est aussi parce que Fantin-Latour était un portraitiste de grand talent. Sollicité par la bourgeoisie, il livre des images d’une grande sévérité dans lesquelles ses modèles sont comme figés. Même Victoria Dubourg, sa fiancée, n’échappe pas à ce traitement, ni flatteur ni caricatural mais d’une parfaite objectivité. « On peint les gens comme des pots de fleurs », aurait un jour déclaré le peintre.
Grand admirateur de la peinture des maîtres hollandais du xviie siècle, Fantin pratique également, à leur exemple, le portrait de groupe. Son tableau le plus célèbre, Un atelier aux Batignolles (1870), figure ainsi l’ami Manet dans son atelier, entouré des peintres Otto Scholderer, Auguste Renoir, Frédéric Bazille, Claude Monet, mais aussi d’Émile Zola, du critique Zacharie Astruc, assis à côté de Manet, et d’Edmond Maître, amateur d’art.
Manet, dont la peinture était alors controversée, fut à nouveau le sujet d’un portrait, individuel celui-ci, où le peintre, tenant sa canne, semble poser tel un gentleman devant un objectif photographique.

Parfois, le Salon s’efface devant l’imagination
Ce sens de la description se retrouve logiquement dans les nombreuses natures mortes exécutées par le peintre. Fleurs, fruits et objets divers y sont traités avec une grande minutie, dans des compositions d’une extrême simplicité, sur fond neutre, qui rappellent l’art de Chardin (1699-1779).
C’est souvent dans l’atelier de sa maison de campagne normande, à Buré, que Fantin-Latour les peint, après avoir collecté dans son jardin les sujets de son inspiration. De format généralement réduit, ces tableaux sont parfois surdimensionnés lorsqu’ils sont destinés à être exposés au Salon, où seuls les grands formats ont une chance d’être remarqués.
Mais le pan le plus intime de sa production est à rechercher dans ses « sujets d’imagination », compositions aux figures tourmentées souvent inspirées de la musique, dont la facture est proche de l’esquisse. Ainsi de la Scène première du Rheingold (L’Or du Rhin, 1888) inspirée du premier des quatre opéras du célèbre Anneau des Nibelung de Richard Wagner, à qui Fantin vouait une admiration sans bornes, et dont il parvient à retranscrire la musicalité.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°593 du 1 juillet 2007, avec le titre suivant : Des portraits aux « sujets d’imagination », Fantin a laissé une production objective et poétique

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