Une archéologie de l'intime

Par Bérénice Geoffroy-Schneiter · L'ŒIL

Le 31 juillet 2007 - 719 mots

Photographies de l’actrice, films familiaux, parures de princesse… Pour la première fois, Monaco et le palais princier dévoilent les nombreuses facettes de la vie de Grace Kelly.

Comment éviter l’écueil de l’hagiographie béate ou de la reconstitution nostalgique voire mortifère ? C’est la question que se sont sans aucun doute posée les concepteurs de l’exposition de Monaco, conscients de toucher à la mémoire d’une des plus grandes « icônes » du xxe siècle. « L’image de Grace Kelly a très tôt été cannibalisée par la presse people, rappelle ainsi Frédéric Mitterrand, commissaire de l’exposition. D’un côté, on avait l’actrice glamour, et de l’autre la bonne dame de Monaco, la maman de Caroline. »
Loin de se limiter à ces deux stéréotypes infiniment réducteurs, l’exposition a procédé à une véritable investigation scientifique, confrontant archives inédites, costumes et accessoires éclairant tous une facette de la personnalité complexe de Grace Kelly. On décèle ainsi chez la princesse un vif intérêt pour l’art et la culture, un sens inouï de l’image jamais démenti au cours de sa vie.

Derrière l’objectif des plus grands photographes
Qui se souvient qu’elle posa pour les plus grands photographes, inspirant à chacun un type de cliché chaque fois différent ? Elle se montre tour à tour sexy chez Milton Green, austère et grave sous l’objectif d’Avedon, chic et mutine, voire exubérante dans les images prises par Halsman qui l’immortalise sautillante à l’instar du duc et de la duchesse de Windsor. Idem pour ces innombrables couvertures de magazines (dont les célèbres clichés de Palombo) sur lesquelles on surprend une Grace jouant tour à tour de sa sensualité ou de sa marmoréenne beauté.
L’exposition monégasque dévoile en outre un reportage réalisé par Lartigue pour le Vogue de New York, ainsi qu’un magnifique ensemble de planches signées Cecil Beaton surprenant la princesse dans son intérieur, en toute élégance et en toute intimité…

Hermès, Dior, Givenchy… les accessoires d’une fée
Mais c’est peut-être dans le « style » qu’elle sut insuffler à toute une époque que Grace de Monaco imprima son talent et sa patte. N’alla-t-elle pas jusqu’à donner son nom à un sac signé Hermès ? Aux côtés de ces deux autres arbitres des élégances qu’étaient Audrey Hepburn et Jacky Kennedy, la princesse fit appel aux plus grands noms de la haute couture pour signer sa garde-robe.
L’exposition de Monaco ouvre ainsi pour le visiteur les armoires secrètes de Grace, faisant danser sur des podiums cette longue robe du soir de mousseline rouge signée Dior, ces tenues sorties des ateliers d’Yves Saint Laurent, de Givenchy, de Balenciaga et de Madame Grès. Pour la circonstance, le musée de Philadelphie n’a pas hésité à prêter la célèbre robe de mariée qui fit la une de tous les magazines people de la planète, dont celle de Paris Match. « On m’a dit combien les fleurs étaient magnifiques à mon mariage, mais tout ce dont je me souviens c’est que les bouquets de fleurs de la cathédrale étaient pleins de Rolleiflex, d’Hasselblad et de Nikon avec des téléobjectifs et des ampoules de flash », se souviendra néanmoins avec une pointe d’amertume la princesse…
Loin, bien loin du protocole rigide des réceptions officielles, la princesse fit également souffler sur le rocher un vent de fantaisie, faisant appel, pour les décors éphémères de ses nombreux bals et autres fêtes, aux talents d’André Levasseur. Celui qui fut l’assistant de Bérard et de Cocteau, mais aussi de Christian Dior, allait devenir l’un de ses plus chers amis. Exceptionnellement rassemblée pour l’exposition, une trentaine de gouaches ressuscite la magie de cette époque, dans la lignée onirique d’un film comme La Belle et la Bête…
Grâce aux tableaux scéniques orchestrés par l’architecte muséographe Nathalie Crinière, l’exposition célèbre avec poésie les noces de Grace et du cinéma. Dans la chambre baptisée « Hitchcock », le visiteur sent ainsi planer sur lui l’ombre inquiétante d’une gigantesque paire de ciseaux. Mais la surprise vient aussi de ces extraits de films tournés par la princesse elle-même, fragments de poésie qui prouvent qu’elle ne rompit jamais véritablement avec le septième art… 

Autour de l’exposition

nformations pratiques « Les années Grace Kelly, princesse de Monaco », du 12 juillet au 23 septembre 2007. Commissariat”‰: Frédéric Mitterrand. Espace Ravel, Grimaldi Forum Monaco, 10, avenue de la Princesse-Grace, Monaco (98). Ouvert tous les jours de 10 h à 20 h, les jeudis et samedis jusqu’à 22”‰h. Tarifs”‰: 10”‰€ et 8”‰€, tél. 00 377 99 99 3000, www.grimaldiforum.mc

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°593 du 1 juillet 2007, avec le titre suivant : Une archéologie de l'intime

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